Covid-19 et essais cliniques chez l’adulte – 6 questions à Kubéraka Mariampillai, PhD

Interview de Kubéraka Mariampillai, Chef de projet au sein de la plateforme des Essais Cliniques Adultes à l’Institut de Myologie dirigée par le Pr Bertrand Fontaine et coordonnée par le Dr Giorgia Querin, et membre de l’équipe 8 « Myopathies inflammatoires & thérapies innovantes ciblées » du Centre de Recherche, dirigée par le Pr Olivier Benveniste.

Qui êtes-vous, quelles sont vos missions ?
Je suis Kubéraka Mariampillai, Chef de projet au sein de la plateforme des Essais Cliniques Adultes à l’Institut de Myologie dirigée par le Pr Bertrand Fontaine et coordonnée par le Dr Giorgia Querin et membre de l’équipe 8 « Myopathies inflammatoires & thérapies innovantes ciblées » dirigée par le Pr Olivier Benveniste.

Je m’occupe également de la base de données nationale des myopathies inflammatoires et de recherche clinique et épidémiologique sur les myosites dans le département de Médecine Interne et Immunologie Clinique du GHPS. Suite à 13 années de travail dans le domaine de la recherche clinique (secteurs public et privé) et l’obtention d’un doctorat de sciences en épidémiologie clinique, j’ai débuté mes fonctions de Chef de projet au démarrage de la plateforme des Essais Cliniques Adultes à l’Institut de Myologie en juillet 2019.

Nous avons à ce jour près d’une trentaine d’études en cours ou en préparation. Il s’agit d’études interventionnelles (essais thérapeutiques et des histoires naturelles) et des études observationnelles sur divers types de maladies neuromusculaires chez l’adulte (acquises – sous-groupes de myosites et myasthénies – ou génétiques – FSHD, DM1, SMA, LGMD2I). L’objectif de la plateforme est de promouvoir le développement de la recherche sur les maladies neuromusculaires en permettant notamment l’accès à des thérapies innovantes, la participation à des registres et des protocoles d’histoires naturelles pour comprendre l’évolution des pathologies et identifier des critères de jugement et des pistes thérapeutiques pour les futurs essais.

Comment se passent vos journées dans ce contexte de crise ?
Suite à la crise sanitaire que nous traversons, l’activité de la plateforme a été rapidement réorganisée.

Nous avons repoussé les inclusions dans un protocole d’histoire naturelle de patients atteints de dystrophie musculaire des ceintures menée par le Dr Tanya Stojkovic dans le service de Neuromyologie ainsi que celles dans un essai thérapeutique évaluant l’efficacité d’un immunosuppresseur (rozanolixizumab) chez des patients adultes atteints de myasthénie grave généralisée menée avec l’équipe du Dr Demeret du département de médecine Intensive et Réanimation Neurologique du GHPS (essai mis en place au début de l’épidémie de COVID-19).

Le démarrage des essais thérapeutiques portant sur les myopathies inflammatoires, prévu au printemps avec le département de médecine interne et immunologie clinique du Pr Benveniste et à l’Institut de Myologie, a également été repoussé à plus tard, quand la situation le permettra.

L’ANSM recommande également d’évaluer la pertinence de l’initiation de nouveaux essais et de prioriser les essais en lien avec la prise en charge des patients infectés par la COVID-19 (procédure accélérée pour les demandes d’autorisation de nouveaux essais cliniques avec la mention « COVID-19 »). Plusieurs contrats sont à ce jour bloqués pour la mise en place des autres essais et des soumissions réglementaires en attente.

Quelle organisation avez-vous mise en place pour accélérer la recherche et les essais pour la COVID ?
Face à la pandémie de COVID-19, nous avons été sollicités en urgence par le Pr Benveniste, appuyé par le Pr Fontaine et la Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation (DRCI) pour apporter une aide à l’investigation sur l’essai CORIMMUNO-19. Cet essai évalue le rapport bénéfice/risque de divers traitements (cibles/stratégies thérapeutiques différentes – Tocilizumab et Sarilumab -, inhibiteurs Janus kinase ou antirétroviraux) sur une cohorte de patients hospitalisés pour une infection par le SARS-CoV-2.

Une vingtaine de volontaires, médecins, directeurs de recherche, ingénieurs, thésards ont répondu présents à cet appel et ont rejoint les attachés de recherche clinique, réaffectés en partie pour gérer l’urgence. Nous avons organisé le volontariat avec la mise en place de conventions de bénévolat avec la DRCI et la direction de la recherche sur site, revue du circuit administratif et demande d’accès aux systèmes informatiques et au cahier d’observation électronique de l’étude avec l’URC de PSL.

Ces demandes ont été traitées très rapidement et en priorité. Depuis début avril, nous avons établi des plannings 7/7 j avec les volontaires au rythme des inclusions et des besoins de l’étude/des investigateurs (suivi quotidien avec le Dr Vauthier). Nous les avons formés aux bonnes pratiques cliniques, à la saisie des données cliniques et biologiques des patients dans le cahier d’observation électronique.
Les données saisies en temps réel sont en cours d’analyse et les premiers résultats sur 129 patients randomisés sont encourageants sous Tocilizumab (sur la survie sans ventilation mécanique ou non invasive à J14).

Quelles difficultés avez-vous rencontrées et comment les avez-vous surmontées ?
La première difficulté a été de tout organiser dans l’urgence et de mettre tous les documents administratifs en place en un temps record afin que les volontaires puissent travailler en leur créant un contrat spécifique via une convention de bénévolat.

Aujourd’hui, le pic épidémique semble passé mais nous restons très mobilisés et solidaires avec les équipes soignantes avec une nécessité et une volonté commune d’agir au service de la recherche clinique primordiale dans ce contexte. Nous constatons une véritable cohésion d’équipe et les conditions idéales sont réunies pour mener à bien de la recherche clinique à tous les niveaux. Tous les métiers sont réunis et tous acteurs pour mener à bien ce projet.

En quoi la recherche clinique est-elle importante face à ce type d’épidémie ?
En parallèle de ces projets de recherche liés à l’épidémie actuelle, je travaille également avec le Pr Benveniste sur une étude observationnelle évaluant l’Effet protecteur de la rapamycine (sirolimus) au cours de la pandémie du « COVID19» (RAPACOVID). Il s’agit d’un traitement immunosuppresseur repositionné pour le traitement de la myosite à inclusions.

C’est un exemple de recherche translationnelle issue des travaux de recherche fondamentale menés par le Dr Allenbach et le Pr Benveniste sur l’effet préventif et curatif de la rapamycine sur un modèle murin de myosites. Cela a conduit au premier essai thérapeutique montrant un effet prometteur du traitement par la rapamycine chez les myosites à inclusions (RAPAMI, NCT02481453).
Des études récentes ont montré que la rapamycine pourrait être un médicament candidat à l’infection COVID19 par ses propriétés protectrices. En effet, la rapamycine présente des effets bénéfiques sur la régulation de la réplication virale des coronavirus, et également sur les pneumonies sévères et les atteintes respiratoires aigües chez les patients infectés par le H1N1.
Depuis la réalisation de l’essai RAPAMI, nous suivons une cohorte plus de 100 patients myosite à inclusions traités par rapamycine, et nous étudierons si la rapamycine protège de l’infection et/ou du développement de forme sévère de la maladie due au COVID19.

Enfin, de nouveaux projets émergent et se dessinent sur l’impact multidimensionnel de la COVID19 chez les patients atteints de maladies neuromusculaires (soins, diagnostic, caractérisation et évolution, qualité de vie et psychologie). Ces études sont en cours de rédaction et allient l’expertise des médecins neurologues du service de Neuromyologie (Dr Evangelista, Pr Fontaine, Dr Querin), des chercheurs du Centre de recherche (Dr Furling), du laboratoire de physiologie neuromusculaire (Dr Hogrel, Dr Bachasson) et du laboratoire RMN des Dr Marty et Dr Reyngould.
Nous les accompagnerons avec le Dr Querin pour porter ces projets essentiels pour comprendre, se préparer et faire face à de nouvelles épidémies notamment dans la prise en charge (soins et recherche) des patients atteints de maladies neuromusculaires.

Quel message aimeriez-vous passer ?
Cette crise nous a vraiment permis de repenser nos façons de travailler et de dépasser nos limites. C’est prenant mais en même temps très excitant et riche en expériences. Une très belle aventure humaine et professionnelle qui nous réunit tous autour de l’envie d’apprendre toujours plus au service de la science.

Merci aux volontaires : Smail Ait Mohand, Céline Anquetil, Azzedine Arrassi, Anne Bertrand, Anne Bigot, Bruno Cadot, Dina Ferhat, Sarah Léonard-Louis, Xavière Lornage, Kubéraka Mariampillai, Marion Masingue, Isabelle Nelson, France Pietri-Rouxel, Christian Pinset, Giorgia Querin, Dario Saracino, Tanya Stojkovic, Nadjib Taouagh, Capucine Trollet.