L’Institut de Myologie, partenaire du projet européen Dreams – Entretien avec Stéphane Vassilopoulos

Dreams (Drug REpurposing and Artificial intelligence for Muscular disorderS) est un projet inédit financé dans le cadre d’un appel d’offres européen pour 5 ans, dont l’objectif est de développer une méthodologie innovante combinant l’IA, les cellules souches et le criblage pharmacologique pour identifier des traitements pour 5 maladies musculaires. Il est coordonné par le Dr Xavier Nissan, Directeur de recherche au laboratoire I-Stem et réunit 8 autres partenaires (1) dont l’Institut de Myologie.
Entretien avec Stéphane Vassilopoulos, co-responsable de l’équipe Organisation de la cellule musculaire et thérapie de la myopathie centronucléaire dominante au CRM (2), partie prenante dans ce projet d’envergure. 

 

Quel est l’objectif de Dreams ?

Le projet a pour objectif d’identifier des défauts communs à plusieurs pathologies (3) suffisamment importants pour être choisis comme cibles pour des thérapies. Le premier paramètre ciblé est l’autophagie, un processus naturel se produisant dans toutes les cellules qui permet le recyclage de ses constituants. On s’est rendu compte que dans de nombreuses myopathies, la cellule musculaire n’est pas capable de faire de l’autophagie correctement, le mécanisme est dérégulé (trop ou pas assez d’autophagie). Le second paramètre ciblé est l’agrégation d’un type de cytosquelette, les filaments intermédiaires, en particulier la desmine.

L’idée est de faire du « repurpusing » de médicament, c’est-à-dire la réutilisation de molécules déjà connues que l’on va cribler sur des cellules de patients pour améliorer des phénotypes de défaut d’autophagie ou de défaut d’agrégation de filaments intermédiaires.

En quoi consiste son originalité ?

Ce qui est novateur dans ce projet, c’est l’idée de cibler des voies défectueuses dans plusieurs pathologies musculaires à la fois. La deuxième innovation est d’utiliser l’AI, ou machine learning, pour améliorer des candidats médicaments. Enfin, la force du consortium est de pouvoir mener toute l’ensemble des phases de l’étude, du préclinique au clinique, sur les molécules qu’on aura découvertes.

Quelles en sont les grandes étapes ?

La première étape consistera à produire des cellules IPs (4) issues de patients, les reprogrammer en cellules musculaires et pouvoir identifier des voies moléculaires qui sont perturbées.

Dans un deuxième temps, l’IA sera utilisée pour identifier des cibles que l’on va pouvoir tester via du screening à haut débit avec des molécules connues issues des chimiothèques. Lors de la troisième étape, l’IA va permettre de faire de la conception de médicament (« drug design ») in silico, c’est-à-dire améliorer l’efficacité de ces cibles. Lors de la quatrième et dernière étape du projet, les candidats médicaments seront évalués chez des patients, via un système d’essai clinique adaptatif (5) en fonction des molécules qui vont en sortir.

A quels stades les équipes de l’institut vont-elles intervenir ?

Nous allons mettre en commun nos expertises et intervenir à plusieurs étapes.
L’équipe Myobank (6) tient à disposition des fibroblastes de peau issus de patients atteints par l’une des 5 maladies étudiées.
L’équipe d’Antoine Muchir (7) qui travaille sur les laminopaties dans lesquelles il y a des agrégats de filaments intermédiaires et une autophagie anormalement basse, et mon équipe (qui travaille sur les myopathies centronucléaires) allons également intervenir.

Dans un premier temps, nous allons utiliser nos savoir-faire en physiopathologie et en biologie cellulaire pour décrire les cellules IPs des 5 pathologies, via la microscopie et la microscopie électronique, l’analyse de l’expression des protéines, etc.
Ensuite, après la découverte des nouvelles molécules, nous allons mettre en évidence les effets, bénéfiques ou pas, de ces molécules sur les cellules IPs.
Dans un troisième temps, les injecter dans des souris modèles et étudier leurs effets in vivo. Nous avons développé à l’Institut de Myologie des modèles génétiques murins et cellulaires pour tester les molécules du screening qui seront jugées prometteuses. L’équipe de Teresinha Evangelista (8) apportera également son expertise en histologie au cours de ces différentes étapes.
Enfin, l’équipe I-Motion (9) mènera chez les patients les essais cliniques adaptatifs : design des études, injections et suivi des patients pour évaluer les effets des molécules sélectionnées.

 

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(1)  Le consortium DREAMS réunit 9 partenaires européens – cliniciens, patients, chercheurs académiques et partenaires privés : I-Stem (France), leader français de la recherche sur les cellules souches pluripotentes crée par l’AFM-Téléthon ; Kantify (Belgique), Société de biotechnologies spécialisé dans l’intelligence artificielle ; L’Institut de Myologie (France), centre de référence international dédié à la science et à la médecine du muscle ; Center for Neuroscience and Cell Biology – University of Coimbra (Portugal); Le Technion – Israel Institute of Technology (Israël) ; la société de biotechnologies Samsara Therapeutics (UK) ; Assistance publique – Hôpitaux de Paris (France) ; L’AFM-Téléthon (France) ; le cabinet de conseil Zabala Innovation (Espagne).

(2)  Stéphane Vassilopoulos, PhD, co-dirige l’équipe Organisation de la cellule musculaire et thérapie de la myopathie centronucléaire dominante du Centre de recherche en myologie de l’institut.

(3)  Les pathologies sont la myopathie de Duchenne, la myopathie centronucléaire, la myopathie d’Emery-Dreifuss, la maladie de Pompe et la maladie de Danon.

(4)  Les cellules des patients (souvent issues de peau, les cellules musculaires étant difficiles à obtenir) sont dédifférenciées en cellules IPs pluripotentes et redifférenciées en cellules musculaires. C’est l’expertise du laboratoire I-Stem.

(5)  Ce type d’essai clinique permet d’accélérer les essais en réduisant les différentes phases et d’adopter des conceptions en continu (« seamless design »).

(6)  Myobank, banque de tissus à visée de recherche de l’Institut de Myologie dirigée parle Pr Bertrand Fontaine.

(7)  Antoine Muchir, PhD, dirige l’équipe Voies de signalisation et muscles striés du Centre de recherche en myologie de l’institut.

(8)  Dr Teresinha Evangelista dirige le Laboratoire d’histopathologie du Centre d’Exploration et d’Évaluation Neuromusculaire de l’institut.

(9)  Dr Giorgia Querin dirige la plateforme I-Motion à l’institut

 

Voir le communiqué de de presse de I-Stem (29/11/2023) I-Stem, coordinateur du consortium de recherche européen DREAMS associant intelligence artificielle, cellules souches et criblage pharmacologique pour traiter des maladies neuromusculaires