Dimitrios Kourtzas lauréat du Prix Master aux JSFM 2024 – Entretien

 

Dimitrios Kourtzas vient de recevoir le Prix Master pour son projet de recherche sur les myopathies liées au collagène VI (COLVI) à l’issue des JSFM 2024. Il est en doctorat sous la direction de Valérie Allamand, dans l’équipe « Génétique et physiopathologie des maladies neuromusculaires liées à la matrice extracellulaire et au noyau » dirigée par Gisèle Bonne, au Centre de Recherche en Myologie de l’Institut. Le prix « Master » est destiné à récompenser le jeune chercheur pour la qualité de son travail de Master 2 en myologie et soutenir son projet de thèse.

Dans quel contexte s’inscrivent les travaux qui ont été récompensés ?

Dimitrios Kourtzas : Le prix porte sur les travaux pratiqués dans le groupe de Valérie Allamand dans le cadre du stage (de 9 mois) réalisé pour mon master de l’Université de Leiden aux Pays-Bas. La thématique du groupe porte sur les maladies musculaires liées au collagène VI* pour lesquelles aucun traitement curatif n’est disponible. Ces maladies sont causées par un déficit en collagène VI, une protéine de la matrice extracellulaire (MEC) présente dans la majorité des tissus.
Mon projet était de finaliser et valider un modèle qui recrée in vitro un environnement pro-fibrotique optimisé, que nous appelons « OPTIMEC », et de l’utiliser pour la 1ère fois dans le but d’étudier les maladies liées au déficit en collagène VI.

Valérie Allamand : L’idée initiale était de trouver des conditions optimales de culture des cellules pour l’expression et la sécrétion de collagène VI. C’est un projet que j’ai initié à l’Université de Lund lors de ma mobilité (2019-2021), et qui a abouti au modèle OPTIMEC pour « optimized matrice extracellulaire ».

Quels résultats avez-vous obtenus ?

DK : Durant mon master, j’ai fait des cultures de fibroblastes cutanés de patients et de personnes contrôles dans le système OPTIMEC pour affiner et valider le modèle. Créer un environnement pro-fibrotique signifie que nous voulons reproduire le processus de fibrose et donc exacerber la sécrétion de composants de la MEC. Nous avons pu vérifier cette augmentation à l’aide de différents outils. Nous avons mesuré une importante hausse de la quantité de collagène I, l’un des meilleurs indicateurs de la fibrose, ainsi que du collagène VI.

VA : Maintenant nous passons à la validation dans de nombreuses cellules issues de patients différents pour nous assurer que ce sera très utile pour le diagnostic et l’évaluation d’approches thérapeutiques. Grâce à Myobank, Généthon et MyoLine, et nos nombreuses collaborations avec des cliniciens, nous avons accès à près de 300 cultures de cellules de patients atteints de mutations différentes, ce qui nous permettra d’être sûrs que le système est robuste.

Quelles sont les applications possibles de ce modèle de culture cellulaire optimisée ?

DK : Il peut être utilisé comme plateforme de criblage pour des thérapies anti-fibrotiques ainsi que dans des approches de médecine de précision. Mais il peut aussi être utile pour la compréhension des mécanismes pathologiques.

VA : Une autre raison pour laquelle nous avons commencé à créer ce modèle, est d’améliorer le diagnostic des maladies liées au collagène VI. Nous espérons transférer prochainement à des laboratoires de diagnostic notre modèle fiable.
Par ailleurs, avec un tel système cellulaire robuste et reproductible, comme mentionné par Dimitrios, on peut vraiment tester et valider des molécules pharmaceutiques ou des thérapies géniques ou autres et donc sélectionner ce qui vaut la peine d’être testé de façon plus approfondie dans des modèles animaux.

Quelles seront les prochaines étapes ?

VA : Nous allons vérifier que ce système est compatible avec des cellules issues du tissu musculaire, et notamment les progéniteurs fibroadipogéniques (ou FAPs) qui sont la source majoritaire de composants de la MEC dans le muscle, et donc de collagène VI.
Ce système sera utilisé dans des projets collaboratifs avec Capucine Trollet et Elisa Negroni (équipe 3** du CdR ; financement ANR), avec Juan Ma Fernandez-Costa (IBEC, Espagne ; financement AFM-Téléthon).

DK : Ma thèse, co-dirigée par Valérie Allamand et Yves Fromes***, porte sur une approche de thérapie génique basée sur des ARNt modifiés visant à corriger spécifiquement les mutations non-sens qui génèrent des codons stop prématurés (PTC), donc des protéines tronquées non fonctionnelles ou l’absence de protéine. Cet outil, mis au point par Christopher Ahern (Iowa University, USA) et son équipe, permet la synthèse d’une protéine, non seulement de taille complète, mais aussi de séquence absolument normale. Grâce au prix attribué par la SFM, nous pourrons utiliser des techniques de protéomique de pointe, en particulier la protéomique ciblée pour pouvoir détecter de façon sensible la quantité de collagène VI que l’on va ré-exprimer.

VA : La thèse de Dimitrios est focalisée sur les maladies liées au déficit en collagène VI, mais cet outil étant compatible avec n’importe quel gène, nous allons aussi travailler sur d’autres formes de dystrophies musculaires.

 

* La dystrophie musculaire congénitale d’Ullrich et la myopathie de Bethlem.

** Equipe 3 : Orchestration cellulaire & moléculaire en régénération musculaire, pendant le vieillissement et en pathologies dirigée par Capucine Trollet & Vincent Mouly, du Centre de Recherche en Myologie

*** Yves Fromes travaille dans le Laboratoire d’imagerie et de spectroscopie par résonance magnétique du Centre d’Exploration et d’Évaluation Neuromusculaire de l’Institut de Myologie