Fabriquer un muscle pour le transplanter chez l’humain – Entretien avec Bruno Cadot

Bruno Cadot a remporté en août 2023 un appel d’offres organisé par le Fonds national allemand pour l’innovation (SPRIN-D) pour financer son projet innovant de création d’un muscle synthétique, associant chimie et biologie. La preuve de concept étant faite chez la souris, il s’agit désormais de réaliser le passage à la greffe chez l’humain. Entretien avec Bruno Cadot.

 

Dans quel contexte ce projet s’inscrit-il ?

Je suis en contact depuis plusieurs années avec deux collègues chimistes, Léa Trichet* et Francisco M. Fernandes*, qui arrivent à créer chimiquement une structure en collagène qui ressemble beaucoup au muscle. Nous voulions monter un projet avec cette idée de l’utiliser comme support pour des cellules de muscle. Lorsque SPRIN-D a lancé son appel d’offres, nous avons décidé d’y répondre. Deux mois plus tard, notre projet était accepté.

Pourquoi vouloir créer un organoïde musculaire ?

Le muscle est difficilement transplantable chez l’humain, en dehors du coeur et des allogreffes de muscle qui sont des interventions chirurgicales très lourdes. Arriver à synthétiser un muscle directement utilisable pour la transplantation serait donc utile. Cela fonctionne déjà chez la souris, les animaux greffés récupèrent un muscle fonctionnel en trois semaines.

Quelles sont les différentes phases du projet ?

L’ensemble du projet va se dérouler sur 8 mois. L’organoïde sera formé à partir d’une structure artificielle en collagène qui ressemble à la matrice extracellulaire musculaire, et de cellules humaines qui pourront s’y ancrer et s’y développer. L’étape suivante consistera à greffer chez l’humain puis évaluer fonctionnellement le tissu obtenu.

D’autres équipes de l’Institut de Myologie seront-elles impliquées ?

En effet, des chercheurs et des ingénieurs de recherche issus de plusieurs équipes de l’Institut de Myologie (Benjamin Marty, Antoine Muchir, Capucine Trollet & Vincent Mouly) participeront aux étapes concernant la formation de l’organoïde puis sa greffe chez la souris et l’évaluation de la présence et de la reconstruction effective du muscle greffé.

Et pour passer chez l’humain, quelles sont les prochaines étapes ?

Il faut vérifier auprès d’experts que la greffe serait envisageable. Je cherche déjà à contacter des chirurgiens spécialisés dans la reconstruction tissulaire pour avoir leur avis, et voir s’ils seraient prêts à nous accompagner pour un essai clinique. On peut imaginer greffer notre organoïde chez des personnes ayant eu des blessures musculaires suite à un accident ou à l’ablation d’une tumeur par exemple.
Et pour aller encore plus loin, comme on sait faire de l’os ou des vaisseaux sanguins et que l’on saura bientôt fabriquer du muscle, ce sera peut-être la fin de l’amputation ?

 

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* Léa Trichet et Francisco M. Fernandes travaillent dans le Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris de Sorbonne Université.