Caractérisation des agrégats de PABPN1 dans la DMOP – Entretien avec Capucine Trollet

Les résultats d’une étude internationale menée par l’équipe de Capucine Trollet et Vincent Mouly* de l’institut viennent d’être publiés dans Acta Neuropathologica**. L’article porte sur la caractérisation des agrégats de PABPN1 réalisée sur une série unique de 90 biopsies musculaires de patients DMOP collectée auprès de cliniciens de France, du Canada, des Pays-Bas et d’Israël, et sur un modèle de xenogreffe. Cette étude est l’aboutissement d’un travail de longue haleine de toute l’équipe et plus particulièrement de Fanny Roth, Jamila Dhiab et Alexis Boulinguiez. Le projet a été initié dans le cadre du projet stratégique eOPMD de l’AFM. Entretien avec Capucine Trollet.

Quel est le contexte de ces travaux ?
La dystrophie musculaire oculopharyngée (DMOP) est une maladie musculaire rare caractérisée par l’apparition d’une faiblesse des muscles du pharynx et des paupières. La maladie est causée par l’extension de polyalanines dans la protéine Poly(A) Binding Protein Nuclear 1 (PABPN1), ce qui entraîne la formation d’inclusions ou d’agrégats intranucléaires dans les muscles des patients atteints de la DMOP.
Malgré de nombreuses études soulignant le rôle délétère des inclusions nucléaires dans les modèles cellulaires et animaux de la DMOP, leur contribution exacte à la maladie humaine n’est toujours pas claire.

Quel était l’objectif de cette l’étude et comment avez-vous procédé ?
Notre but est d’améliorer notre compréhension de la physiopathologie de la DMOP. Dans cette optique, nous avons réalisé une analyse approfondie des agrégats de PABPN1 en fonction de l’âge, du génotype et de l’état du muscle. Pour cela, nous avons utilisé une collection importante et unique d’échantillons de biopsies musculaires humaines.
En outre, pour confirmer le devenir des agrégats de PABPN1 dans un muscle en régénération, nous avons généré un modèle de xénogreffe en transplantant des échantillons de biopsies de muscles humains DMOP dans la patte postérieure d’une souris immunodéficiente.

Quels résultats avez-vous obtenus ?
Nous avons montré ici que l’âge et le génotype influencent les agrégats PABPN1: le pourcentage de myonuclei contenant des agrégats PABPN1 augmente avec l’âge et la protéine chaperonne HSP70 se colocalise plus fréquemment avec les agrégats PABPN1 ayant une plus grande expansion de polyalanines.
En plus des cofacteurs PRMT1 et HSP70 précédemment décrits, nous avons identifié de nouveaux composantes des agrégats PABPN1, notamment GRP78/BiP, RPL24 et p62.
Nous avons également observé que les myonuclei contenant des agrégats sont plus larges que les myonuclei sans agrégats. En comparant deux muscles d’un même patient, une quantité similaire d’agrégats est observée dans les différents muscles, à l’exception du muscle pharyngé où moins d’agrégats sont observés. Cela pourrait être dû à la nature particulière de ce muscle qui présente un faible niveau d’expression de PABPN1 et contient des fibres en régénération.
Enfin, les xénogreffes provenant de sujets atteints de DMOP ont montré une régénération des myofibres humaines et les agrégats PABPN1 étaient rapidement présents – en plus faible quantité – après la régénération des fibres musculaires.

Quelles conclusions en avez-vous tiré ?
Nos données obtenues sur des échantillons humains DMOP renforcent les modèles non exclusifs actuellement proposés pour la DMOP qui combinent d’une part des inclusions intranucléaires de PABPN1 toxiques et une perte de fonction de PABPN1 qui, ensemble, aboutissent à cette maladie à apparition tardive et sélective de certains muscles.

 

* Équipe 3 Orchestration cellulaire et moléculaire en régénération musculaire, pendant le vieillissement et en pathologies du Centre de Recherche en Myologie

 

** Roth, F., Dhiab, J., Boulinguiez, A. et al. Assessment of PABPN1 nuclear inclusions on a large cohort of patients and in a human xenograft model of oculopharyngeal muscular dystrophy. Acta Neuropathol (2022). https://doi.org/10.1007/s00401-022-02503-7