Charles Frison-Roche lauréat du Prix Communication Orale Recherche décerné par la SFM

Charles Frison-Roche a reçu le Prix communication orale recherche décerné par la Société Française de Myologie (SFM). Il est étudiant en thèse dans l’équipe REDs dirigée par Denis Furling et Geneviève Gourdon, au sein du Centre de Recherche en Myologie et de l’Institut de Myologie. Sous la supervision de Frédérique Rau, il travaille sur la physiopathologie de la dystrophie myotonique de type 1 (DM1), maladie due à une expansion de répétitions CTG dans le gène DMPK. Les ARNs DMPK porteurs d’expansions anormales de répétitions CUG s’accumulent dans le noyau des cellules et conduisent, en particulier, à la perte de fonction des protéines Mbnl* qui sont séquestrées par ces répétitions. Son projet de thèse porte précisément sur la perte de fonction de ces protéines dans les motoneurones et son impact sur la maintenance et la fonction de l’unité motrice.
Entretien avec Charles Frison-Roche et Frédérique Rau, sa co-directrice de thèse.

 

Comment s’inscrit votre projet dans la thématique de l’équipe ?
Charles Frison-Roche : Les travaux de l’équipe sont centrés sur la DM1 et vont de l’instabilité de répétions CTG au développement d’approches thérapeutiques en passant par la compréhension des mécanismes physiopathologiques. Mon projet de thèse s’inscrit dans ce dernier axe et consiste à déterminer le rôle et la contribution de la perte de fonction des protéines Mbnl au niveau de l’unité motrice et son impact sur le muscle squelettique. Plus précisément, je m’intéresse aux motoneurones et à la communication neuromusculaire via les jonctions neuromusculaires (JNM). Pour cela, nous avons développé des souris transgéniques qui n’expriment plus ces protéines spécifiquement dans les motoneurones. Après avoir caractérisé phénotypiquement ces souris, je vais examiner les altérations moléculaires présentes dans les motoneurones en réalisant un séquençage à haut débit des ARNs de façon à identifier les modifications induites par l’absence de ces protéines, à la fois au niveau de la moelle épinière, où sont situés les motoneurones, et au niveau du muscle.

Quels résultats avez-vous déjà obtenus ?
CFR : Nous avons caractérisé notre modèle de souris transgénique au niveau physiologique, ce qui nous a permis de déterminer que les JNMs sont matures mais anormales, avec une modification de leur structure et de leur fonction. Une altération de la maintenance des JNMs pourrait être à l’origine de ce phénotype. Nous avons également observé des JNMs beaucoup plus grandes dans le muscle de nos souris transgéniques par rapport à des souris non modifiées ou sauvages. Cette observation faite dans des biopsies de patients DM1 avait d’ailleurs été rapportée par Michel Fardeau dans ses travaux il y a quelques années**.
Au niveau physiologique, ces souris transgéniques modèles ont un défaut de locomotion et marchent moins bien que des souris sauvages.

Quelles seront les prochaines étapes ?
CFR : Nous travaillons désormais sur la partie moléculaire de la caractérisation de nos souris et commencerons prochainement à examiner le transcriptome par séquençage à haut débit des ARNs. A partir des résultats obtenus, nous testerons les cibles potentielles révélées afin de déterminer leur contribution au phénotype observé dans nos modèles et dans la DM1.

Jonctions neuromusculaires d’une souris saine (à gauche)
et d’une souris modifiée génétiquement (à droite).

Frédérique Rau : C’est une analyse globale, mais le but est d’identifier des défauts de maturation d’ARNs spécifiques qui vont altérer les fonctions des protéines correspondantes et contribuer au phénotype observé. Les protéines Mbnl régulent énormément d’ARNs différents ce qui rend la tâche compliquée. Il s’agit donc de déterminer quel(s) ARN(s) spécifique(s) pourrai(en)t être essentiel(s) pour le maintien des JNMs. Nous allons donc examiner l’ensemble des cibles identifiées et disséquer le mécanisme d’action associé à ces défauts. 

Ces résultats vont-ils être utilisables pour des thérapies ?
CFR : Ces travaux sont fondamentaux, ils portent sur un des mécanismes physiopathologiques de la DM1 et non sur la maladie dans son ensemble. Cependant, ils serviront à notre équipe et ouvriront la voie à d’autres projets à visée thérapeutique.

FR : Ces travaux posent aussi la question de l’accessibilité des thérapies : si effectivement le motoneurone est impliqué, il va falloir le considérer comme un tissu cible sur lequel les thérapies devront également agir.

Quels aspects de ces travaux ont été récompensés par le Prix Communication Orale Recherche de la SFM ?
FR : Ce sont à la fois l’intérêt et la qualité des résultats, ainsi que la clarté de la présentation qui ont été récompensés.
La valeur de ces travaux a également été récompensée par le Prix du voyage de la SFM, qui offre une bourse aux étudiants qu’ils puissent présenter leur travail dans des congrès internationaux.
En 2020, j’ai pu obtenir une ANR Jeune Chercheur/Chercheuse grâce aux résultats préliminaires des travaux de Charles.

CFR : Ces prix vont ainsi me permettre d’aller présenter mes résultats à l’IDMC (International Myotonic Dystrophy Consortium), le plus grand congrès dédié à la DM1, du 21 au 25 juin 2022 à Osaka au Japon.

 

 

Les protéines MBNL (« Muscleblind-like proteins ») régulent le métabolisme des ARN. Dans ce modèle qui leur inflige une perte de fonction, on peut observer quelles conséquences découlent de cette absence de régulation.

** Ce projet a pour origine les travaux en microscopie électronique sur des biopsies de patients atteints de DM1 réalisés par Michel Fardeau (Institut de Myologie) dans les années 80. Il a observé que les JNMs dans la DM1 étaient anormalement grandes, caractéristique que l’on ne retrouve pas dans les autres pathologies où cette structure est altérée.