Relation entre statut clinique et activité physique chez des patients souffrant de myopathies inflammatoires – Entretien avec O. Landon-Cardinal et D. Bachasson

Océane Landon-Cardinal, MD*, et Damien Bachasson, PhD**, sont les premiers co-auteurs d’un article qui est publié dans la revue Seminars in Arthritis and Rheumatism. L’article porte sur les relations entre le statut clinique (sévérité des symptômes) et l’activité physique chez des patients atteints de myopathies inflammatoires (ou myosites idiopathiques).

Quelle est la genèse/contexte global du projet ?
Les myosites sont un groupe hétérogène de maladies musculaires. Dans cette famille de pathologies, le muscle dégénère rapidement et les patients se sentent fatigués, faibles et peuvent se retrouver très rapidement en situation de handicap. Le traitement leur permet généralement de récupérer une fonction musculaire quasi-complète.
L’évaluation clinique des patients atteints de myosites ainsi que la planification d’essais cliniques dans ces maladies rares et hétérogènes demeure difficile. Une amélioration de la prise en charge de ces patients nécessite l’accès à des mesures fiables d’activité de la maladie et qui prennent en compte l’impact de la maladie sur la qualité de vie des patients. L’accessibilité à de nouveaux outils de mesure permettrait d’améliorer l’évaluation de l’efficacité des traitements dans des essais cliniques.
Le International Myositis Assessment & Clinical Studies Group (IMACS) a développé des outils de mesure pour évaluer l’activité musculaire et extra musculaires des myosites. Ces outils de mesures ont été entérinés par l’American College of Rheumatology/European League against Rheumatism (ACR/EULAR) pour développer des critères de réponses cliniques afin de réaliser des essais cliniques thérapeutiques. Néanmoins, la signification clinique des changements mesurés par ces outils dans le quotidien des patients atteints de myosites, en particulier l’activité physique, demeure à préciser.

Quels sont les objectifs de l’étude ?
La faiblesse musculaire peut altérer les capacités fonctionnelles des patients et avoir un impact direct sur l’activité physique (AP) quotidienne réalisée par les patients. On entend par AP tout mouvement produit responsable d’une augmentation de la dépense énergétique au cours de la vie quotidienne. Le niveau d’activité quotidienne reflète, entre autres, la capacité d’un patient à bouger. Il existe actuellement différentes façons d’évaluer l’AP quotidienne au domicile des patients comme des questionnaires et plus récemment des dispositif portables (contenant par exemple des accéléromètres) que l’on peut porter à la cheville, à la ceinture, ou au poignet, et qui permettent une mesure objective de l’AP quotidienne.
Pour notre étude, nous avons utilisé un dispositif commercialisé qui permet d’accéder aux données brutes des accéléromètres portés au poignet du patient. Les signaux bruts ont ensuite été analysés à l’aide d’un logiciel développé en open source et utilisé par une communauté internationale de chercheurs.
L’objectif de cette étude était d’évaluer les changements de l’activité physique quotidienne au cours du traitement et de les comparer aux outils de mesure clinique et biologique de référence (IMACS) et des critères de réponse clinique développés l’ACR/EULAR pour les essais cliniques.

Quelles méthodes et protocoles ont été utilisés ?
L’étude était menée au centre national de référence des maladies neuromusculaires (Hôpital Universitaire de la Pitié-Salpêtrière, Institut de Myologie) entre 2017 et 2018. Les patients atteints de myosites étaient évalués tous les 3 mois puis nous avons enregistré leur activité physique (AP) à l’aide d’un accéléromètre de poignet 24h/24h pendant deux semaines après chaque évaluation clinique.
Cinquante-cinq patients ont été inclus dans cette étude avec une excellente compliance quant au port de l’accéléromètre de poignet. Nous avons mesuré que l’AP quotidienne était fortement réduite chez les patients avec myosites témoignant du retentissement négatif de la maladie sur l’AP. De plus, la force musculaire et la fonction physique étaient des déterminants majeurs de l’AP à l’inclusion et au suivi. Néanmoins, les changements en AP étaient également fortement influencés par les changements dans le bien-être des patients, incluant les symptômes dépressifs et le niveau de fatigue.
En d’autres termes, nos données suggèrent que les troubles de l’humeur et la fatigue doivent être évalués et pris en charge chez tous les patients, en particulier lorsqu’il y a une amélioration de la force musculaire sans augmentation des niveaux d’activité physique.

Quels résultats ont été obtenus ?
Mesurer objectivement l’activité physique, permet donc d’estimer les répercussions d’une pathologie sur la vie des patients et de mesurer son évolution au cours du temps. L’accélérométrie est ainsi un outil très utile pour évaluer l’efficacité d’une intervention visant à augmenter l’AP des patients afin de les protéger, par exemple, de complications associées à la sédentarité.
Seuls les patients présentant une amélioration majeure selon le score ACR/EULAR montraient un changement significatif de l’AP. Selon ce même score, une amélioration légère à modérée se traduisait de manière inconstante par un changement en AP.
Nos données suggèrent qu’une augmentation de l’AP au-delà d’un certain seuil (ENMO >4.10 mg/jour) est une mesure simple, accessible et utile pour définir un changement significatif de l’AP afin d’améliorer la qualité de vie des patients atteints de myosites.

Quelles conclusions peut-on en tirer et quelles perspectives cette étude a-t-elle permis d’ouvrir ?
La mesure de l’activité physique par accélérométrie pourra apporter des informations pertinentes en complément des examens réalisées à l’hôpital et nos travaux contribuent à établir des bases scientifiques solides pour ces mesures.
L’utilisation de l’accélérométrie dans les essais cliniques thérapeutiques restent à apprécier comme un critère d’évaluation exploratoire complémentaire afin de mieux évaluer l’effet des interventions thérapeutiques et donc d’améliorer la prise en charge de ces patients.

 

* Océane Landon-Cardinal, MD, rhumatologue. Ce travail a été réalisé pendant sa formation post-doctorale en myopathies autoimmunes à la Pitié-Salpêtrière sous la supervision du Pr Olivier Benveniste.

 

** Damien Bachasson, PhD, Kinésithérapeute, Chef de projet de recherche scientifique dans le Laboratoire de physiologie et d’évaluation neuromusculaire dirigé par Jean-Yves Hogrel.

 

Relationship between change in physical activity and in clinical status in patients with idiopathic inflammatory myopathy: A prospective cohort study, Océane Landon-Cardinal, Damien Bachasson, Perrine Guillaume-Jugnot, Mathieu Vautier, Nicolas Champtiaux, Baptiste Hervier, Aude Rigolet, Rohit Aggarwal, Olivier Benveniste, Jean-Yves Hogrel, Yves Allenbach, Seminars in Arthritis and Rheumatism, Volume 50, Issue 5, October 2020, 1140-1149.