L’institut se dote d’un microscope électronique de dernière génération

Entretien avec Norma B. Romero et Stéphane Vassilopoulos
Depuis juillet 2021, chercheurs, médecins et ingénieurs/ techniciens de l’Institut de Myologie ont appris à maitriser les multiples fonctionnalités du nouveau microscope électronique à transmission de dernière génération que l’Institut vient d’acquérir. Si toutes les équipes du Centre de Recherche en Myologie et de l’Unité de Morphologie de l’Institut utilisent la microscopie électronique, elle constitue une activité essentielle des équipes de Norma B. Romero* et Stéphane Vassilopoulos** tant au niveau recherche qu’au niveau diagnostic. 

 

« Le microscope électronique que nous utilisions jusque-là datait de la création de l’Institut de Myologie, en 1996, et il nous a permis de faire de belles découvertes » souligne N. B. Romero, « mais l’appareil que nous venons d’acquérir nous offre une qualité d’image et une finesse de détails et d’analyse qui vont nous permettre de continuer les travaux de recherches et de diagnostic avec une efficacité accrue ».
Les structures cellulaires, organelles, membranes, mais aussi les anomalies de ces structures fines sont davantage visibles, ce qui autorise les chercheurs à aller à un niveau de détail plus grand encore.
« Nous sommes tous extrêmement heureux de travailler sur ce nouveau microscope, plus performant que le précédent et remercions l’Association Institut de Myologie et l’AFM-Téléthon d’avoir participé à son financement. » ajoute S. Vassilopoulos.

La microscopie électronique, étape indispensable dans le processus de compréhension des pathologies

NBR. « S’il y a eu ces dernières années des avancées majeures dans la génétique moléculaire – de nombreux gènes, mutations, myopathies ont été identifiés – la connaissance d’une maladie du muscle demande de pouvoir observer les modifications engendrées au niveau des structures des cellules musculaires, des organelles et des protéines. Il est primordial de comprendre la physiopathologie des cellules et le dérangement provoqué par la maladie pour ensuite envisager d’éventuelles solutions thérapeutiques. » 

Fig. 1

SV. « A l’ère où les techniques de biologie moléculaire permettent des thérapies telles que nous les développons à l’Institut de Myologie et dans les autres instituts soutenus par l’AFM-Téléthon, il est indispensable de visualiser les effets de ces thérapies à l’échelle des molécules qui composent nos muscles.  Il est essentiel de pouvoir observer les effets bénéfiques des traitements avec des microscopes photoniques mais également avec ce type de microscope électronique, plus puissant et plus performant. Cela nous aide à mieux voir le tissu malade et comment on le guérit. »

 

Fig. 2

La microscopie corrélative, une spécialité de l’Institut

SV. « L’Institut de Myologie fait partie des rares laboratoires au monde où l’on fait de la microscopie corrélative. Nous combinons pour cela les techniques de microscopie photonique à super résolution avec les techniques de microscopie électronique et nous superposons les deux images de la même cellule. Ainsi, nous avons en même temps une information sur la structure par la microscopie électronique et une information sur la composition ou la quantité de protéines en fluorescence ; nous avons donc deux fois plus d’information sur les objets observés à l’échelle du nanomètre.

A court terme, il sera possible de voir les protéines qui sont impliquées dans les myopathies et comprendre comment elles sont organisées. A titre d’exemple, nous avons un projet avec Helge Amthor (Université de Versailles) portant sur la détection de la dystrophine*** à la surface des cellules musculaires par fluorescence. Pour l’instant on ne la voit pas au niveau ultrastructural, mais l’utilisation du microscope électronique nous permettra de comprendre comment elle interagit avec le cytosquelette des cellules musculaires. »

 

Fig. 3

Une expertise développée depuis des années à l’Institut de Myologie

La microscopie électronique est une expertise développée à l’Institut de Myologie depuis sa création, qui découle des travaux de René Couteaux, de Michel Fardeau et de Fernando Tomé, spécialistes mondiaux de la microscopie électronique.

Cette technique nécessite des années de formation, non seulement pour manipuler l’appareil mais également pour comprendre ce qui est observé.

 

 

Fig. 4

NBR. « Grâce à nos équipements de pointe, nous pouvons discuter de diagnostics ou examiner aussi des échantillons qui nous sont envoyés au laboratoire par des entités externes. Par exemple, nous avons actuellement une collaboration avec une équipe qui a étudié des cas de Covid musculaires et qui nous confie des échantillons pour l’analyse poussée en électronique. Par ailleurs, nous avons acquis une très grande expérience dans la pathologie musculaire néonatale et congénitale dont l’analyse en microscopie électronique est essentielle, indispensable. »

SV. « Nous utilisons les microscopes qui offrent la plus haute résolution en imagerie et permettent donc de faire une analyse précise du muscle malade. Nous avons une réelle expertise dans l’interprétation de ce type d’image. D’ailleurs, des chercheurs issus de laboratoires du monde entier font appel à nous pour avoir notre avis sur des échantillons ou des procédures. »

NBR. « J’ajoute que les photos de microscopie électronique que nous réalisons et qui sont identifiées viennent également enrichir l’Atlas du Muscle de l’Institut de Myologie, première base de données en images sur le muscle de pathologies très bien caractérisées que nous avons créée avec Bruno Cadot en septembre 2020. »

 

 

*Norma B. Romero est médecin responsable de l’Unité de Morphologie Neuromusculaire de l’Institut de Myologie

 

** Stéphane Vassilopoulos est chercheur dans l’équipe « Organisation de la cellule musculaire et thérapie de la myopathie centronucléaire autosomique dominante » dirigée par Marc Bitoun du Centre de Recherche de l’Institut de Myologie.

 

***Le talon d’Achille de la dystrophine, protéine large du sarcolemme, est son lien avec le cytosquelette. Elle se lie avec l’actine, les microtubules, et si l’on ne sait pas comment elle est ancrée, on sait que lorsque cet ancrage est défectueux, le muscle se défait comme un château de cartes parce qu’il n’y a plus cet élément de fixation entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule musculaire.

 

Fig.1. Analyse des composants de la membrane des cellules musculaires par microscopie électronique à transmission sur répliques de platine. Cette image montre des structures appelées cavéoles qui sont particulièrement abondantes à la surface des cellules musculaires. Afin de visualiser les cavéoles, les cellules musculaires en culture sont décapées grâce à des ultrasons, elles sont fixées, rapidement congelées puis déshydratées à froid avant la production d’une réplique métallique de leur surface par ombrage rotatif.

 

Fig.2. Analyse des composants de la membrane des cellules musculaires par microscopie électronique à transmission sur répliques de platine. Cette image montre des structures appelées plaques de clathrine (colorées en violet) qui sont présentes à la surface des cellules musculaires et dont la fonction demeure à ce jour mal comprise. Afin de visualiser les structures de clathrine, les cellules musculaires en culture sont décapées grâce à des ultrasons, elles sont fixées, rapidement congelées puis déshydratées à froid avant la production d’une réplique métallique de leur surface par ombrage rotatif.

 

Fig.3. Micrographies électroniques de fibres musculaires squelettiques en coupes longitudinales montrant trois corps cytoplasmiques.

 

Fig.4. Micrographies électroniques de fibres musculaires squelettiques en coupes longitudinales montrant une désorganisation focale de la structure sarcomérique (myopathies congénitales).