Validation d’une nouvelle approche pour l’évaluation non invasive du volume musculaire – Entretien avec D. Bachasson et J.-Y. Hogrel

Les équipes de l’Institut de Myologie viennent de publier dans The Journal of Cachexia, Sarcopenia and Muscle les résultats d’une étude* démontrant le fort potentiel d’une méthode non-invasive permettant de mesurer le volume musculaire. Entretien avec Damien Bachasson** et Jean-Yves Hogrel*** du Laboratoire de Physiologie et d’Evaluation Neuromusculaire de l’Institut de Myologie.

Quelle est le contexte global du projet ?

Ce projet s’inscrit dans le développement de nouvelles méthodes non-invasives pour l’évaluation du volume musculaire. La mise au point d’une telle méthode est primordiale pour les cliniciens et les scientifiques dans de nombreuses situations où le muscle est affecté comme dans les maladies neuromusculaires mais également le vieillissement, les maladies chroniques (AVC, cancers, maladies respiratoires, cardio-vasculaire rhumatologiques, orthopédiques…) ou encore la rééducation et l’entrainement sportif.

La méthode présentée dans ce travail repose sur l’étude des propriétés électriques des tissus du corps. Le principe de la bio-impédancemétrie est de faire entrer un courant électrique imperceptible dans le corps et d’étudier comment le corps, de par sa composition, modifie le courant injecté. Il est ensuite possible d’estimer, par exemple, le pourcentage de masse grasse corporelle. C’est une technologie très répandue qui est utilisée par exemple sur certains pèse-personnes grand-public qui estiment le taux de masse grasse. Les approches conventionnelles reposent sur des équations de prédictions qui dépendent de la population étudiée. Ces approches fonctionnent mal quand les patients présentent des pertes importantes en quantité et en qualité de volume musculaire; cela limite l’utilisation de la bio-impédancemétrie comme outil d’étude, de diagnostic ou de suivi dans le cadre clinique.

Quels étaient les objectifs de l’étude ?

Dans ce travail, nous présentons une méthode permettant l’évaluation du volume musculaire de la cuisse par bio-impédancemétrie reposant sur des équations obtenues grâce à la comparaison entre les propriétés électriques des tissus et les images obtenues grâce à l’IRM qui est la méthode de référence. Vingt participants en bonne santé et vingt patients atteints de myopathies inflammatoires idiopathiques modérées à sévères ont participé à cette étude.

 

Quels résultats ont été obtenus ?

Nous avons démontré une forte concordance entre le volume musculaire mesuré par notre méthode et celui mesuré avec l’IRM, y compris chez des patients présentant un volume musculaire faible associée à une dégénérescence graisseuse des muscles. Nous avons également montré une bonne reproductibilité de la méthode. 

Quelles conclusions peut-on en tirer et quels développements envisagez-vous ?

Cette approche a un fort potentiel avec de nombreuses applications possibles dans l’ensemble de la population en partant du principe que la masse musculaire est un indicateur de santé publique, ce qu’un nombre grandissant de publications tend à montrer. Nous allons poursuivre ces travaux afin d’étudier la sensibilité au changement de la mesure dans des essais cliniques. Nous travaillons également sur la valorisation industrielle de cette approche. Un brevet a notamment été déposé. La création d’une start-up promouvant cette méthode est également à l’étude.

 

* Bachasson, D., Ayaz, A. C., Mosso, J., Canal, A., Boisserie, J.‐M., Araujo, E. C. A., Benveniste, O., Reyngoudt, H., Marty, B., Carlier, P. G., and Hogrel, J.‐Y. (2021) Lean regional muscle volume estimates using explanatory bioelectrical models in healthy subjects and patients with muscle wasting, Journal of Cachexia, Sarcopenia and Muscle, doi: https://doi.org/10.1002/jcsm.12656 

 

** Damien Bachasson PT, PhD, est chercheur au Laboratoire de Physiologie et d’Evaluation Neuromusculaire à l’Institut de Myologie (Paris)

 

*** Jean-Yves Hogrel, PhD, est le directeur du Laboratoire de Physiologie et d’Evaluation Neuromusculaire à l’Institut de Myologie (Paris)