Innovation pour l’évaluation non invasive du diaphragme – Entretien avec T. Poulard et D. Bachasson

Thomas Poulard* et Damien Bachasson** du laboratoire de physiologie et d’évaluation Neuromusculaire de l’Institut de Myologie, dirigé par Jean-Yves Hogrel, viennent de publier dans The Journal of Physiology les résultats d’une étude*** ayant pour objectif le développement d’une séquence échographique ultrarapide permettant de «  filmer  » le comportement du diaphragme au cours de la stimulation magnétique des nerfs phréniques (CMS) chez des sujets sains. 

Quelle est la genèse/contexte global du projet ?
Ce travail s’inscrit dans le projet RespiMyo dont l’un des objectifs est de mieux appréhender la fonction du diaphragme grâce à l’échographie. La fonction du diaphragme peut se définir comme sa capacité à générer une pression, permettant notamment les échanges gazeux dans les poumons. Mesurer la pression générée par le diaphragme (pression transdiaphragmatique (Pdi)), nécessite l’utilisation de sondes œsophagienne et gastrique. La Pdi est ensuite calculée comme étant la différence entre la pression gastrique et la pression œsophagienne. La mesure de la Pdi est régulièrement associée à la stimulation magnétique des nerfs phréniques (‘Cervical Magnetic Stimulation’, ou CMS). Cette dernière entraine une contraction non-volontaire du diaphragme et cette méthode est considérée comme la technique de référence pour l’évaluation de la fonction diaphragmatique. Le couplage de la Pdi et de la CMS permet d’extraire la ‘Pdi Twitch’ (Pditw), correspondant à la pression générée par le diaphragme suite à la CMS. Néanmoins, la mesure de la Pdi est invasive et l’utilisation de sondes œsophagienne et gastrique demande un haut niveau d’expertise. De ce fait, l’utilisation de l’échographie s’est largement développée ces deux dernières décennies, dans le but d’observer le comportement du diaphragme au cours de la respiration courante. En revanche, l’échographie conventionnelle ne permet d’obtenir que peu d’images par secondes (une cinquantaine). Or, la contraction induite par la CMS est de très courte durée, de l’ordre de 300 millisecondes. 

Quels sont les objectifs de l’étude ?
Nous avons donc développé une séquence échographique ultrarapide, permettant de «  filmer  » le comportement du diaphragme au cours de la CMS. Nos objectifs étaient de i) observer le comportement du diaphragme à différentes intensités de CMS, ii) évaluer le lien entre les paramètres échographiques et la Pditw.

Quelles méthodes et protocoles ont été utilisés ?
Cette étude a été réalisée chez des sujets sains. Treize participants ont été équipés de sondes permettant la mesure de la Pdi. Nous avons également développé une séquence échographique ultrarapide permettant d’obtenir une image échographique toutes les millisecondes. Les participants étaient ensuite soumis à une série de stimulations magnétiques, de 30 % à 100 % d’intensité du stimulateur. Les paramètres échographiques étudiés étaient la vitesse tissulaire du diaphragme (Vdi), ainsi que la fraction d’épaississement du diaphragme (TFdi). Nous avons ensuite établi la relation entre ces paramètres échographiques et l’intensité de stimulation ainsi qu’avec la Pditw (i.e. la méthode de référence).

Quels résultats ont été obtenus  ?
Nous avons montré qu’il existait une relation linéaire significative entre Vdi et l’intensité de stimulation, et ce chez tous les participants. En d’autres termes, l’augmentation de l’intensité de stimulation est accompagnée d’une augmentation de Vdi. La relation entre TFdi et l’intensité de stimulation était quant à elle significative chez 10 des 13 participants. Nos résultats ont également révélé une relation significative entre Vdi et Pditw chez tous les participants. La relation entre TFdi et Vdi était significative chez 8 des 13 participants. Nos données montrent également que la mesure de Vdi est très fiable, avec des critères de fiabilités proches de ceux de Pditw.

Quelles conclusions peut-on en tirer et quels développements envisagez-vous ?
Il s’agit de la première étude dans laquelle le diaphragme est directement observé en réponse à la CMS. Nous avons montré qu’il était possible d’extraire des paramètres échographiques fiables et sensibles aux variations de Pditw, et ce chez tous les participants. L’application de cette technique d’échographie ultrarapide pourrait être d’un grand intérêt chez une population présentant une dysfonction diaphragmatique (i.e. myopathes, patients sous-ventilation artificielle, …). En effet, l’évaluation de la fonction diaphragmatique au cours du temps pourrait reposer sur la mesure de Vdi et non plus de Pditw, permettant de s’affranchir des limites liées à la mesure de la Pdi. La puissance diagnostique de cette approche et son intérêt pour le suivi de la dysfonction diaphragmatique vont être étudiés chez des patients dans une prochaine étude.  

 

 

*Thomas Poulard, MsC est doctorant au laboratoire de physiologie et d’évaluation Neuromusculaire à l’Institut de Myologie (Paris, D. Bachasson, PT, PhD) et au laboratoire BioMaps (Université Paris Saclay, J-L. Gennisson, PhD)

**Damien Bachasson PT, PhD, est chercheur au laboratoire de physiologie et d’évaluation Neuromusculaire à l’Institut de Myologie (Paris)

***Cette étude a été réalisée en collaboration avec le laboratoire BioMaps (Université Paris-Saclay ; Jean-Luc Gennisson), le département R3S (Respiration, Réanimation, Réhabilitation, Sommeil ; Martin Dres, Thomas Similowski) de l’APHP-Sorbonne Université, et le Laboratoire de Neurophysiologie Respiratoire Expérimentale et Clinique (UMRS 1158 – Sorbonne Université). Cette étude fait partie du projet RESPIMYO soutenu par la fondation EDF.

 

Ultrafast ultrasound coupled with cervical magnetic stimulation for non-invasive and non-volitional assessment of diaphragm contractility. Poulard T, Dres M, Niérat MC, Rivals I, Hogrel JY, Similowski T, Gennisson JL, Bachasson D.  J Physiol. 2020 Sep 30. doi: 10.1113/JP280457. Epub ahead of print. PMID: 32997791.