La myopathie liée au gène ADSSL1 n’est pas seulement distale et les bâtonnets y sont plus fréquents que les vacuoles

Le gène ADSSL1 code une enzyme qui permet la synthèse, à partir d’inosine monophosphate (IMP), de l’adénosine monophosphate (AMP), un métabolite nécessaire à la production d’ATP. L’ADDSL1 est une enzyme spécifique du muscle squelettique où elle est fortement exprimée.

Une maladie fréquente en Corée, mais pas seulement
La myopathie liée à des anomalies du gène ADSSL1 a été décrite pour la première fois en octobre 2015 chez 4 personnes appartenant à deux familles sud-coréennes non apparentées. Elle se manifestait par un déficit musculaire distal autosomique récessif débutant à l’adolescence et d’évolution lente.
Les cas de neuf autres personnes d’origine coréenne présentant cette myopathie ont été décrits par la suite. La biopsie musculaire montrait de rares vacuoles bordées et parfois des bâtonnets.

En avril 2020, un article présente pour la première fois deux cas non coréens de myopathie liée à ADSSL1, l’un d’origine turque et l’autre d’origine indienne. Si les manifestations consistaient en un déficit distal débutant à l’âge adulte et des signes histologiques et d’IRM comparables à la description initiale, l’une des personnes présentait aussi une faiblesse musculaire proximale évolutive marquée, associée à une atrophie musculaire sévère et des rétractions musculo-tendineuses.

Un éventail de signes clinique plus large
Une équipe japonaise s’est intéressée à la prévalence et au phénotype de cette pathologie au Japon
À partir des données recueillies entre janvier 1978 et mars 2019 dans la base de données du Centre National de Neurologie et de Psychiatrie (National Center of Neurology and Psychiatry -NCNP) deTokyo (Japon), elle a retrouvé 63 personnes appartenant à 59 familles non apparentées et présentant un tableau de déficit musculaire associé à des anomalies du gène ADSSL1. Parmi les sept anomalies génétiques retrouvées, deux étaient particulièrement fréquentes : l’une ou l’autre était présente sur une des copies du gène chez les 63 personnes.
Sur le plan clinique, toutes les personnes avaient été facilement fatigables et peu aptes à la course dans l’enfance. La plupart d’entre elles a commencé à se plaindre d’une faiblesse musculaire des membres inférieurs à un âge moyen de 24,6 ± 11,4 ans avec des difficultés pour monter des escaliers ou se relever.

  • L’âge moyen était 36,6 (5 à 66) ans et la moitié était des hommes (37/63).
  • Plus de la moitié (33/63) des personnes présentaient un déficit proximal et un déficit distal équivalents ; un tiers (21/63) avait un déficit distal prédominant et seuls 9 personnes avaient un déficit proximal plus important que le déficit distal. Près des 4/5ème (41/52) présentait un déficit axial ou du cou.
  • 85,7% des personnes pouvaient marcher sans aide (à un âge moyen de 36,4 ans) ; 4 personnes, âgées de 45,8 ans en moyenne (de 25 à 65 ans), marchaient à l’aide d’une canne et 5 personnes âgées de 37,4 ans en moyenne (de 22 à 50 ans) avaient perdu la marche.
  • 46 personnes avaient une atteinte des muscles faciaux et 24 une dysphagie avec des difficultés masticatoires, dont 3 sous nutrition entérale.
  • 26 personnes avaient une capacité vitale inférieure à 80% (69 ± 22,9%) de la théorique et 7 avaient recours à une assistance ventilatoire du fait d’une hypercapnie.
  • 12 personnes présentaient une hypertrophie ventriculaire gauche (ECG, échocardiographie). À noter qu’un jeune homme, décédé à l’âge de 25 ans de défaillance de multiples organes, avait présenté des signes d’insuffisance cardiaque gauche avant l’apparition de signes musculaires à l’âge de 20 ans.
  • Deux personnes avaient une atteinte cognitive.

Une forme de myopathie à bâtonnets ?
La biopsie musculaire réalisée chez 62 personnes a montré majoritairement dans des fibres de type I :

  • des bâtonnets dans 4,3% des fibres en moyenne,
  • des gouttelettes lipidiques dans près de 33% des fibres en moyenne.

Ces chiffres sont toutefois significativement inférieurs à ce qui est retrouvé dans les myopathies à bâtonnets classiques ou dans les lipidoses.
Seuls 24% des patients présentaient des vacuoles bordées, et ce dans seulement 2,3% des fibres en moyenne.

Cette étude met en évidence la plus grande variété des signes cliniques de cette myopathie due à des anomalies du gène ADSSL1. Compte tenu de la grande fréquence des bâtonnets, les auteurs proposent de classer cette maladie dans les myopathies à bâtonnets d’origine génétique, ce qui en ferait la forme la plus fréquente dans leur centre.

 

Expanding the disease phenotype of ADSSL1-associated myopathy in non-Korean patients. Mroczek M, Durmus H, Bijarnia-Mahay S et al. Neuromuscul Disord. 2020 Apr;30(4):310-314

 

ADSSL1 myopathy is the most common nemaline myopathy in Japan with variable clinical features. Neurology. 2020 Jul 9. pii: 10.1212/WNL.0000000000010237. [Epub ahead of print] Saito Y, Nishikawa A, Iida A, Mori-Yoshimura M, Oya Y, Ishiyama A, Komaki H, Nakamura S, Fujikawa S, Kanda T, Yamadera M, Sakiyama H, Hayashi S, Nonaka I, Noguchi S, Nishino I.