Covid-19 et essais cliniques : 4 questions au Dr Giorgia Querin

Interview de Giorgia Querin, Neurologue, Médecin coordinateur de la plateforme Essais cliniques adultes à l’Institut de Myologie depuis janvier 2020.

Quelles mesures ont été mises en place au niveau du service « Neuro-Myologie » et à la plateforme essais cliniques adultes pour faire face à la crise sanitaire du Covid19 ?
Nous avons revu notre organisation pour nous adapter à la situation et donner priorité à la gestion clinique des patients. Pour cela, nous avons diminué drastiquement le nombre de consultations en présentiel pour éviter les contaminations et nous les avons remplacées par des téléconsultations. Notre service comprend 8 médecins et 2 internes et nous gérons environ une cinquantaine de patients jour. Aujourd’hui, nous suivons entre 25 et 40 patients en téléconsultation journalière.
Nous avons cependant maintenu une permanence de consultation réduite sur site pour les patients ne pouvant être décalés dans leur suivi et notamment pour ceux qui nécessitent l’administration d’un traitement par perfusion (ou autre voie invasive). Des procédures strictes d’hygiène et de prévention ont bien entendu été mises en place pour garantir la protection des patients et du personnel soignant.
Nous avons enfin mis en place un service téléphonique d’astreinte à destination des médecins des urgences ou de réanimation qui traitent actuellement des patients COVID+ souffrant de maladies neuromusculaires. Cette permanence téléphonique avec le personnel soignant de l’APHP permet une meilleure prise en charge de ces patients fragiles et d’adapter leur traitement en fonction de leur pathologie.

Comment se passent les essais en cours actuellement ?
En ce qui concerne les essais cliniques, plusieurs protocoles ont dû être malheureusement décalés pour plusieurs types de maladies, et notamment les protocoles d’histoire naturelle, nécessitant des tests pour décrire l’évolution de la maladie au cours du temps chez des patients fragiles.
Le démarrage de certains essais thérapeutiques programmés, basés sur des tests de médicaments en collaboration avec des groupes pharmaceutiques, a également été reporté.
Dans le même temps, l’AIM est très engagé dans le support de plusieurs essais thérapeutiques visés à identifier une molécule qui puisse améliorer l’atteinte respiratoire provoquée par la COVID-19, réduire le risque d’intubation et de ventilation mécanique et surtout réduire la mortalité. L’équipe essais clinique adultes est en première ligne dans l’organisation et la mise en place des essais sur la COVID-19 mais il faut souligner que plusieurs collègues (médecins mais aussi chercheurs) de l’AIM se sont également portés volontaires pour aider dans cette urgence sanitaire inédite.

Comment vivez-vous cette situation, vous et votre équipe ?
La situation est grave et particulièrement difficile pour les patients fragiles souffrant de maladies neuromusculaires mais aussi pour le personnel soignant qui doit continuer d’assurer leur suivi et leur prise en charge. Cependant, j’ai confiance dans les mesures d’urgence qui ont été prises face à cette crise et je suis particulièrement reconnaissante de l’organisation mise en place par l’APHP pour maintenir au mieux nos activités dans cette situation inédite. Cette organisation nous permet, à nous, personnel soignant, de nous adapter et de gérer au mieux la situation vis-à-vis de nos patients.
J’aimerais aussi saluer les équipes de soignants mais également toutes les équipes de l’Institut de myologie et leur témoigner toute ma reconnaissance pour les efforts énormes dont ils ont fait preuve pour s’adapter à la situation. Leur motivation sans faille, leur mobilisation et leur flexibilité pour réorganiser leurs tâches et leurs missions en réponse à la crise démontre une réelle force et un élan de solidarité exemplaire.

Quel message d’espoir aimeriez-vous passer ?
Je suis convaincue que cette crise que nous vivons va déclencher de nouvelles habitudes et certainement changer notre façon de soigner nos patients. Ce contact virtuel que nous sommes contraints de mettre en place avec nos patients nous amènent à penser différemment notre approche. Il faut apprendre à travailler d’une autre façon, sans négativiser mais plutôt en améliorant des process, en ajoutant de nouvelles compétences dans le suivi de nos patients en mode « gestion de crise ». L’application COVIDOM de l’APHP qui permet la prise en charge et le télésuivi à distance des patients infectés en est un bon exemple. D’autres applications de ce type pourraient peut-être voir le jour dans le futur, qui sait ?
On espère vraiment apprendre de la gestion de l’épidémie et cela enrichit constamment nos travaux de recherche qui se poursuivent en parallèle. Cette crise ne fait que renforcer l’importance de faire des essais cliniques et de les valider pour mieux soigner les patients via des traitements adaptés. La recherche clinique est d’autant plus importante en situation de crise car elle nous engage toujours plus et plus nombreux vers la recherche de nouveaux traitements.