Développement du MyoQuad pour évaluer la force du quadriceps – Entretien avec J.-Y. Hogrel

Jean-Yves Hogrel, responsable du Laboratoire de Physiologie et d’Évaluation Neuromusculaire, Damien Bachasson, du même laboratoire, et Olivier Benveniste, de l’équipe Muscle inflammatoire & thérapies innovantes du Centre de Recherche en Myologie viennent de publier un article* portant sur la validation du MyoQuad chez des patients atteints de myosite à inclusions, un outil créé et développé dans son laboratoire qui vient agrandir la famille des Myotools. Entretien avec J.-Y. Hogrel.

 

Quelle est la genèse du projet ?
Il y a un peu plus de 10 ans, le projet a démarré avec l’étude de patients atteints de myosite à inclusion (IBM) et présentant une faiblesse majeure des muscles extenseurs du genou (quadriceps), qui caractérise cette maladie. Ces patients, suivis à l’Institut par Olivier Benveniste, étaient alors évalués avec le Biodex, une machine isocinétique, qui constitue la référence pour la mesure de la force de l’extension du genou. Nous avons montré que la faiblesse du quadriceps était un marqueur-clé de l’évolution de la pathologie mais que, finalement, aucune méthode existante n’était satisfaisante pour réaliser cette évaluation en routine clinique (1).

C’est à ce moment que l’idée du MyoQuad a émergé ?
Il y avait effectivement là une opportunité pour développer un dynamomètre qui évite tous les désavantages des autres : pas trop cher, pas de problème de mesure pour les patients les plus faibles et les plus forts, utilisable n’importe où, et qui présente des propriétés métrologiques comparables aux autres Myotools (mesure de précision à une dizaine de grammes près). Dès 2014, nous avons testé le premier prototype chez des patients inclus dans IBMan (histoire naturelle de la maladie (2)). A partir de 2016, nous avons validé le prototype de 2ème génération (pré-industriel) chez les patients inclus dans l’essai RAPAMI (3) via une validation croisée MyoQuad / Biodex. Dans notre récente publication, nous avons démontré que la mesure de la force réalisée avec le MyoQuad ainsi que les changements dans la force des patients au cours du temps étaient similaires à ceux mesurés avec la méthode de référence.

En quoi consiste le dispositif ?
Le dispositif MyoQuad a été conçu pour être utilisé aussi bien à l’hôpital qu’à la maison ou dans une consultation de ville. L’idée est qu’il puisse s’accrocher à n’importe quel pied de lit médical, de chaise, un pied rond ou rectangulaire… Le dynamomètre, qui s’accroche d’un côté à un support fixe et de l’autre à la cheville du patient, est connecté en bluetooth à une tablette, ce qui permet de visualiser en temps réel les mesures, via une application dédiée.

Le MyoQuad a été mis au point dans le cadre de l’essai sur IBM, l’outil est-il également utilisable dans d’autres situations ?
Absolument, c’est aussi la raison pour laquelle nous avons voulu développer un système opérationnel utilisable dans n’importe quelle consultation, pour n’importe quelle pathologie, par n’importe quel patient. L’idée est d’arriver à intégrer le dispositif dans les consultations en médecine de ville pour détecter la faiblesse musculaire, par exemple pour anticiper la perte d’autonomie dans le cadre du vieillissement. En effet, la force du quadriceps est un marqueur-clé du vieillissement, ce muscle étant particulièrement impliqué au cours de ce processus. On pourrait aussi l’utiliser chez les patients atteints de cancer pour mesurer l’évolution de la cachexie ou bien pour évaluer la récupération musculaire suite à une fracture de la hanche.
Plus généralement, le fait que le muscle continue à fonctionner est un facteur pronostic positif dans toutes les pathologies, dans le vieillissement, dans la vie en général. Une évaluation facilité et accessible de la diminution de la force à un instant donné via un dispositif portable comme le MyoQuad pourrait permettre de prendre rapidement des mesures de prévention.

Quels seront les prochaines étapes pour MyoQuad ?
Nous en sommes à l’étape d’industrialisation. Pour l’instant, nous allons faire fabriquer une petite série (une dizaine) par notre partenaire, qui développe déjà les Myopinch et Myogrip. Il est également essentiel de valoriser les dispositifs MyoTools développés dans notre laboratoire : pour MyoQuad, depuis 3 semaines que l’article a été publié, nous avons déjà eu 5 demandes. Nous allons tenter maintenant d’intégrer le MyoQuad dans la panoplie des outils de mesure de plusieurs essais cliniques.

 

* Routine monitoring of isometric knee extension strength in patients with muscle impairments using a new portable device: cross-validation against a standard isokinetic dynamometer, Jean-Yves Hogrel, Olivier Benveniste and Damien Bachasson, Physiol Meas, 41 (1), 015003, 2020 Feb 5

 

(1) Plusieurs méthodes d’évaluation de la force des extenseurs du genou :

  • la méthode isocinétique, très précise mais trop chère et non portable (Biodex)
  • la dynamométrie manuelle (dynamomètre tenu en main par le kiné) mal adaptée pour les patients très faibles et très forts
  • la dynamométrie fixe (un capteur est accroché au mur) bien adaptée pour les patients très forts mais non adapté pour les patients très faibles

 

(2) IBMan (Muscle Strength and Inflammatory Response in Patients With Inclusion Body Myositis) : NCT00898989

 

(3) RAPAMI (Rapamycine vs. Placebo for the Treatment of Inclusion Body Myositis) : NCT02481453
L’article est en cours de soumission