« Le muscle est un véritable enjeu de santé publique et doit être reconnu en tant que tel » – Entretien avec Laurence Tiennot-Herment

Interview de Laurence Tiennot-Herment, Présidente de l’AFM-Téléthon et de l’Association Institut de Myologie

Pourquoi le muscle est-il un enjeu de santé publique ?
Les muscles représentent plus de 40 % de notre masse corporelle, c’est donc le tissu le plus représenté. Comme le savent trop bien les malades atteints de pathologies neuromusculaires, les muscles jouent un rôle capital dans les fonctions motrices, respiratoires et cardiaques. Mais ils sont aussi touchés dans de nombreuses autres maladies comme le cancer ou le diabète. Autrement dit, l’état des muscles est un indicateur de l’état de santé pour tous. De plus, tout au long de la vie, le muscle doit être préservé et entrainé car il contribue à lutter contre différentes maladies comme les maladies cardiovasculaires, à en prévenir d’autres comme l’ostéoporose, mais aussi éviter les troubles musculo-squelettiques, entretenir la mémoire, lutter contre les effets du vieillissement… Et c’est un réservoir essentiel d’énergie. Le muscle est bien un enjeu de santé publique et doit être reconnu en tant que tel.

Dans cette dynamique, la reconnaissance de la myologie, la science et médecine du muscle, est aujourd’hui une nécessité ?
Grâce aux travaux sur le muscle malade impulsés et portés, depuis de nombreuses années, par notre association, par l’Institut de Myologie et par d’autres équipes sur tout le territoire, les connaissances se sont démultipliées. Par ailleurs, nous vivons une véritable période charnière avec les premiers succès de traitements innovants contre des maladies du muscle particulièrement graves et une explosion du nombre d’essais cliniques. Il est aujourd’hui évident que le muscle à lui seul est un organe modèle, source d’innovations thérapeutiques multiples pouvant par ailleurs être combinées pour en accroître leur efficacité. Nous sommes en plein effet boule de neige.
De par sa place prépondérante dans le corps humain et son rôle transversal, le muscle est au cœur d’une discipline, la myologie, qu’il convient d’enseigner en tant que telle et de faire reconnaître. Elle ne peut être cantonnée à une spécialité unique comme la neurologie par exemple, car elle est à l’interface de différentes spécialités et son enseignement doit se nourrir de cette pluridisciplinarité. Par ailleurs, les déficiences musculaires peuvent avoir différentes origines comme le vieillissement, la maladie chronique, les traitements lourds….
La préservation de l’activité musculaire est également un enjeu dans les récidives de cancers. Il convient donc de démocratiser la médecine du muscle. Elle doit diffuser plus largement pour que, demain, il y ait davantage d’experts médicaux et scientifiques du muscle : des neuro-myologues certes, mais aussi des cardio-myologues, des onco-myologues, des géronto-myologues, etc.. Cette discipline doit être enseignée à tous les médecins, aux soignants mais aussi être reconnue, avoir des commissions dédiées dans les organismes de recherche, médicaux et autres.

Comment la création d’une Fondation de Myologie peut-elle contribuer à cette reconnaissance ?

Dès la création en 1996 de notre Institut de Myologie dédié au muscle et à ses maladies, nous avions pour ambition de créer à terme une Fondation qui contribuerait à institutionnaliser cette discipline. Pour toutes les raisons précédemment évoquées, nous sommes dans une période charnière. Et aujourd’hui, nous entrons dans la phase de concrétisation. Nous avons ainsi signé une promesse de vente pour un terrain situé à la frontière de la Pitié-Salpêtrière dans le 13eme arrondissement à Paris, et le cabinet d’architectes a été choisi. Ce futur bâtiment incarne notre volonté de donner une nouvelle dimension à la myologie à travers une Fondation sur un périmètre élargi -le muscle dans tous ses états-, attirant les meilleures expertises nationales mais également internationales, l’innovation notamment à travers des plateformes de pointe et des start-up capables de transformer les recherches en solutions…

Quelles autres actions mettez-vous en place pour contribuer à cette reconnaissance ?

Notre mot d’ordre est « 2023/2024, années musclées ! ». Le 1er juin, nous organiserons les premières Assises du muscle au Conseil économique, social et environnemental. Durant cette journée d’échanges avec de nombreux experts, nous voulons démontrer le rôle essentiel du muscle pour la santé de tous et sensibiliser les politiques, les institutionnels, les acteurs de la santé, de la prévention et de l’éducation, mais également le monde du travail ou sportif. Ces assises ouvriront la première édition de la Semaine du muscle que nous impulsons à destination du grand public sur tout le territoire. Le Téléthon 2023 sera également musclé.Puis suivra notre congrès scientifique international -Myology 2024- à Paris, au printemps.