La grossesse chez une femme atteinte de myasthénie auto-immune, une situation à risque

La base de données Healthcare cost and utilization project, nationwide inpatient sample (HCUP-NIS)intègre chaque année des informations sur plus de 7 millions de séjours hospitaliers aux États-Unis. Une équipe canadienne l’a utilisé pour mener une étude de cohorte rétrospective (2005 – 2015) sur près de 10 millions d’accouchements, dont 974 de femmes atteintes de myasthénie auto-immune. Cette maladie de la jonction neuromusculaire débute plus souvent chez l’adulte, avant l’âge de 40 ans, avec une nette prédominance féminine (environ deux tiers des cas).

Des arguments en faveur d’un suivi en centre expert

L’étude canadienne montre, chez les femmes enceintes atteintes de myasthénie en comparaison de celles indemnes de cette maladie :

  • des comorbidités plus fréquentes (obésité, diabète, hypothyroïdie, polyarthrite rhumatoïde…), en lien pour partie avec l’association (connue) de la myasthénie et d’autres maladies auto-immunes,
  • un âge plus élevé : 35 ans passés dans 21,36% des cas, contre 15,77% en l’absence de myasthénie,
  • une absence de sur-risque de césarienne, d’aides instrumentales à l’accouchement et de rupture prématurée des membranes,
  • un risque majoré de naissance prématurée (10,27% versus 6,38%), et d’insuffisance respiratoire aiguë maternelle (2,26% vs 0,10%) en lien avec la possible exacerbation de la maladie notamment après l’accouchement,
  • un séjour hospitalier plus long, supérieur à 3 jours dans un tiers des cas (vs 14,53%).

Cette étude de grande ampleur plaide en faveur d’un suivi « en milieu obstétrical spécialisé, maternité de classe 3, et dans un centre de référence de pathologie neuromusculaire » comme recommandé en France par le Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) sur la myasthénie auto-immune, publié en 2015.

Une recommandation confortée par une deuxième publication

Une autre équipe d’obstétriciens canadiens a conduit plus récemment une revue systématique de la littérature sur le sujet, à laquelle ils ont ajouté les données relatives à leur propre suivi de femmes enceintes atteintes de myasthénie. Sur 824 grossesses, leur analyse retrouve :

  • une exacerbation de la myasthénie dans 1/3 des cas,
  • un risque de crise myasthénique de 6,4% pendant la grossesse et de 8,2% après l’accouchement,
  • une myasthénie néonatale transitoire dans 13% des cas.

 

Maternal and neonatal outcomes among pregnant women with myasthenia gravis. Nicholls-Dempsey L, Czuzoj-Shulman N, Abenhaim HA. J Perinat Med. 2020 Oct 25; 48(8):793-798.

 

Myasthenia gravis in pregnancy: Systematic review and case series. Banner H, Niles KM, Ryu M et al. Obstet Med. 2022 Jun;15(2):108-117.

 

Voir aussi « Myasthénie : l’impact sur la grossesse se précise »