Myopathie liée à SELENON : une étude rétrospective internationale auprès de 132 enfants et adultes en précise l’histoire naturelle à long terme et les critères de sévérité

Une équipe internationale de cliniciens, comprenant des experts de l’Institut de Myologie (Paris), a publié en septembre 2020 une étude rétrospective qui porte sur 132 personnes atteintes de myopathie liée à SELENON (ex-SEPN1), âgées de 2 à 58 ans avec un suivi de 8 mois à 25 ans, et dont 69 ont été diagnostiquées en France. C’est la plus grande série de cas de cette maladie peu fréquente, décrite jusqu’à présent.

Le début des signes est survenu avant l’âge de 15 ans et pour 84,8% des cas dans les deux premières années de vie  : hypotonie néonatale dans un tiers de cas, retard du développement moteur, mauvais contrôle de la tête, acquisition de la marche en moyenne aux alentours de l’âge de 18 mois, faiblesse musculaire, chute fréquente, difficultés à monter des marches, à courir, scoliose précoce, hyperlordose ou colonne raide…

 

Un déficit axial sévère, et un déficit oculomoteur nouvellement identifié

  • Le visage présente une faiblesse musculaire légère à modérée avec palais ogival et voix aiguë nasonnée.
  • La faiblesse des fléchisseurs du cou et du tronc est importante alors que les extenseurs sont relativement épargnés. Celle des membres est proximale et peu marquée, avec un quadriceps quasi normal. Dans les formes les plus sévères, il existe aussi une faiblesse distale.
  • La raideur rachidienne est présente dans 87,8% des cas, avant l’âge de 10 ans le plus souvent. Les rétractions des muscles extenseurs du cou et des paravertébraux entrainent une raideur cervico-dorsale, compensée par une mobilité lombaire longtemps conservée pour se pencher en avant.
  • La perte de la cyphose dorsale (voire une lordose dorsale) aplatit le thorax dont la mobilité est encore réduite par les rétractions des muscles intercostaux et du grand pectoral.
  • Le tableau clinique se complète au fil des ans avec le développement d’une scoliose, l’apparition d’une insuffisance respiratoire, une chute de la courbe de poids et dans certains cas des rétractions des muscles des membres.
  • La scoliose est présente dans 86,1% des cas, et chez 93,8% des enfants de plus de 13 ans. Elle a été contenue par un corset jusqu’à l’âge de l’arthrodèse vertébrale (13,5 +/- 1,9 ans dans cette série), laquelle a permis une stabilisation radiologique et clinique du rachis.
  • L’atteinte respiratoire n’est pas corrélée à l’atteinte des muscles des membres : la plupart des patients ont besoin d’une assistance ventilatoire alors que leur marche est préservée. Au total, 81,9% des cas avaient une assistance ventilatoire depuis l’âge moyen de 14 ans (de 3 à 49 ans), la majorité ayant besoin d’une ventilation non invasive nocturne et 12 personnes d’une trachéotomie.
  • Si le poids de naissance est habituellement normal, il s’opère au moment de la puberté une perte de poids importante avec fonte du tissu cellulaire sous-cutané et apparence pseudo cachectique. Les quatre patients en surpoids, dont deux obèses depuis l’enfance, présentaient tous une forme sévère de la maladie avec une insuffisance respiratoire sévère et une perte de la marche précoce.
  • L’examen systématique de la motricité oculaire fait apparaître fréquemment une faiblesse du regard vers le haut. Trois patients sévèrement atteints présentent une ophtalmoparésie indéniable. Avec l’âge sont apparus chez six patients un ptosis modéré et un strabisme chez quatre.

 

Des multi-minicores majoritaires… mais pas seulement

L’analyse des 79 biopsies musculaires disponibles a montré que : 

  • les multi-minicores étaient la lésion histologique la plus fréquente (59,5% des biopsies) et la principale dans 49,4% des cas ; 
  • dans 24% des cas, il y avait des signes dystrophiques prédominants, associés ou non à des multiminicores ;
  • un quart des biopsies ne montraient que des signes non spécifiques de myopathie. Cela concernait les patients les plus jeunes (âge moyen de 8,5 ans) alors que les signes plus spécifiques étaient présents sur les biopsies musculaires de patients plus âgés (13,89 ans en moyenne).

 

Sur le plan évolutif

Tous les enfants ont acquis la marche et amélioré leurs performances motrices dans l’enfance. Après l’arthrodèse vertébrale et la mise en place d’une ventilation assistée, l’état des patients reste stable pendant plusieurs décennies avant que la maladie ne s’aggrave régulièrement à partir de la quatrième décennie. La perte de la marche est survenue chez huit patients à l’âge moyen de 21,5 ans (entre 8 ans et 54 ans)

Le principal facteur de pronostic vital semble être l’insuffisance respiratoire, avec la moitié des patients ayant besoin d’une ventilation assistée dans les treize premières années de vie.

 

Des critères de sévérité 

Pour évaluer d’éventuels déterminants évolutifs, les auteurs ont défini des critères de gravité/sévérité :

  • hypotonie néonatale marquée ou perte permanente/ persistante du contrôle de la tête,
  • scoliose ou insuffisance respiratoire avant l’âge de 10 ans,
  • incapacité motrice progressive entrainant une perte de la marche avant l’âge adulte

À partir de ces critères, les auteurs ont déterminé trois groupes : 

  • une forme sévère quand les patients présentent deux critères de sévérité ou plus,
  • une forme de gravité moyenne s’ils ne présentent qu’un critère de sévérité ;
  • une forme modérée s’ils ne présentent aucun de ces critères.

Les formes modérées ou légères représentent le tableau typique antérieurement décrit de la myopathie liée à SEPN1.

Cette étude retrouve également une corrélation significative entre le poids corporel et la sévérité de la maladie dans les 47 dossiers comportant des données anthropométriques, avec un gain de poids entrainant une baisse de performance fonctionnelle et une augmentation de la fatigue.

 

The clinical, histological, and genotypic spectrum of SEPN1-related myopathy: A case series.  Villar-Quiles RN, von der Hagen M, Métay C, Gonzalez V, Donkervoort S, Bertini E, Castiglioni C, Chaigne D, Colomer J, Cuadrado ML, de Visser M, Desguerre I, Eymard B, Goemans N, Kaindl A, Lagrue E, Lütschg J, Malfatti E, Mayer M, Merlini L, Orlikowski D, Reuner U, Salih MA, Schlotter-Weigel B, Stoetter M, Straub V, Topaloglu H, Urtizberea JA, van der Kooi A, Wilichowski E, Romero NB, Fardeau M, Bönnemann CG, Estournet B, Richard P, Quijano-Roy S, Schara U, Ferreiro A.  Neurology. 2020 Sep 15;95(11):e1512-e1527.