Le 249ème workshop de l’ENMC était centré sur la dystrophine cérébrale et les troubles cognitifs dans la DMD

L’absence de l’une ou l’autre de ces formes de dystrophine présentes dans le cerveau provoque chez les enfants et adultes atteints de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) ou de Becker (DMB) des troubles cognitifs, comportementaux et de la communication variables. Environ 50% des garçons atteints de DMD en souffrent ; un peu moins chez ceux atteints de DMB. Ces troubles restent insuffisamment dépistés et mal pris en charge alors que des progrès cognitifs sont possibles. 

Le 249ème workshop de l’European NeuroMuscular Center (ENMC) qui a eu lieu fin 2019 à Hoofddorp aux Pays-Bas et dont les actes ont été publiés récemment dans la revue Neuromuscular Disorders, a réuni des chercheurs, médecins et représentants de malades pour faire le point sur les connaissances des différentes formes de dystrophine cérébrale, leur implication dans les troubles cognitifs dans la DMD et la DMB et les perspectives pour mieux les prendre en charge et les traiter. 

 

Etudier les conséquences concrètes de l’absence de dystrophine

L’absence de l’une ou l’autre des formes de dystrophine cérébrales (pleine longueur (Dp427), forme intermédiaire (Dp140) et forme plus petite (Dp71)) perturbe le développement du cerveau, altère sa structure et/ou son fonctionnement. L’absence de la Dp140, forme précoce au cours du développement et qui se maintient ensuite, conduit à des anomalies de la substance blanche, avec des conséquences sur le neuro-développement. L’absence de la Dp71 affecte le système de signalisation GABAergique avec un impact précoce sur le développement synaptique et les troubles cognitifs et comportementaux. La relation entre chaque trouble neuro-développemental et émotionnel et la perte de dystrophine n’est toutefois pas encore claire.

Des études portant sur des souris modèles de différentes mutations du gène DMD, les souris mdx23 et mdx52. La souris mdx23, montre des troubles émotionnels, de l’anxiété et une forte sensibilité au stress, alors que d’autres fonctions sont préservées : ces troubles sont similaires à ceux observés chez les garçons atteints de DMD.

 

Caractériser les troubles cognitifs dans les DMD et DMB 

Une méta-analyse de 52 études portant au total sur 4202 garçons atteints de DMD et 420 atteints de DMB a montré que la fréquence des troubles du spectre autistique (TSA) serait de 17% dans la DMD, celle des troubles de l’attention et de l’hyperactivité de 26 %, celle de l’anxiété et de la dépression serait de 22 % et 14% respectivement. Dans la DMB, on retrouve une anxiété chez 19% et une dépression chez 17%. 

Par ailleurs, une étude utilisant un indicateur qui traduit l’adaptation de la réponse émotionnelle à un stimulus de peur (fear response) a montré que les garçons atteints de DMD réagissaient de manière « surdimensionnée/exagérée », même si une réponse plus appropriée peut être acquise. 

Un projet européen nommé « Brain involvement in Dystrophinopathie » (BIND), coordonné par le Pr I. Desguerre (Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris) a été mise en place, pour collecter des données et mieux caractériser le lien entre dystrophine et atteinte cognitive, dans les dystrophies musculaires de  Duchenne et de Becker, chez l’animal et chez l’Homme. 

 

Des pistes de traitements 

Des études analysent les effets de médicaments existants comme le méthylphénidate (pour lutter contre les troubles de l’attention), ou la fluoxetine (un antidépresseur). D’autres médicaments, qui améliorent la vascularisation et l’oxygénation, sont aussi à l’étude comme le sildenafil. Trois approches de saut d’exon sont en développement préclinique dans la DMD. Deux sont évaluées  chez la souris mdx23 et semblent améliorer les troubles cognitifs (peur, réactivité émotionnelle). 

 

Au quotidien, s’appuyer sur les capacités cognitives existantes 

Alors que les capacités motrices se détériorent, les performances cognitives peuvent être consolidées. Durant cet atelier, les représentants des associations de patients (Parent Project Muscular Dystrophy et l’AFM-Téléthon) ont insisté sur la nécessité de mieux diagnostiquer les troubles cognitifs pour ne pas passer à côté de certains d’entre eux. Diffuser les connaissances auprès des professionnels médicaux faciliterait le diagnostic des troubles cognitifs dans la DMD et la DMB, un dépistage idéalement effectué par des experts en psychologie et neuropsychologie. 

 

Ils ont souligné aussi le besoin de bien informer les parents sur les difficultés de l’enfant. Cela ouvre la possibilité de mieux les prendre en charge avec l’objectif d’utiliser tout le potentiel existant de l’enfant. Avoir une vision positive des troubles de l’enfant permet de s’appuyer sur ses capacités. Par exemple, considérer l’entêtement comme une obstination positive ou les capacités cognitives disharmoniques comme autant de talents, ou encore compenser la mémoire à court terme défaillante par un travail de la mémoire à long terme plus performante sont des solutions. Des outils comme le NIH Toolbox peuvent permettre de mieux suivre les capacités neuropsychologiques ; d’autres comme ceux proposés sur le site www.cogmed.com (en anglais) peuvent être utilisés en rééducation.

 

249th ENMC International Workshop: The role of brain dystrophin in muscular dystrophy: Implications for clinical care and translational research, Hoofddorp, The Netherlands, November 29th-December 1st 2019. Hendriksen JGM, Thangarajh M, Kan HE, Muntoni F. Neuromuscul Disord. 2020 Sep; 30(9):782-794