Entretien avec Maria-Grazia Biferi, Responsable de l’équipe BOND (Biothérapies des maladies du motoneurone (SLA & SMA) et Aurore Besse, Chef de Projet Pré-Clinique à l’Institut de Myologie. Avec leur équipe et en collaboration avec deux chercheurs français, elles viennent de publier une article dans le journal Molecular Therapy*.
Quelle est la genèse du projet ?
Ce projet s’est inscrit dans le cadre de la thèse de doctorat d’Aurore et a donné lieu, grâce à un beau travail d’équipe à sa publication dans Molecular Therapy en mai dernier. Cette étude fait suite aux travaux de recherche menés par l’équipe de Martine Barkats à l’Institut de Myologie, et au préalable à Généthon depuis 2004, qui avaient pour but de développer des thérapies innovantes pour les maladies du motoneurone telles que l’Amyotrophie Spinale (SMA).
La SMA est une maladie neuromusculaire caractérisée par une dégénérescence des neurones moteurs et une faiblesse musculaire progressive conduisant à la paralysie et la mort prématurée dans les cas les plus graves. Avec une incidence estimée à 1 naissance sur 6000-10000, la SMA est considérée comme la principale cause génétique de mortalité chez les enfants de moins de 2 ans. La SMA est causée par des mutations ou délétions homozygotes dans la copie télomérique du gène « Survival of Motor Neuron » (SMN), SMN1.
Comment se situe ce travail dans le cadre de la recherche thérapeutique actuelle sur la SMA et quels étaient ses objectifs ?
Actuellement, les principales approches thérapeutiques chez les patients SMA consistent à augmenter le niveau de protéine SMN, notamment par thérapie génique avec le Zolgensma® ou par oligonucléotide anti-sens avec le nusinersen.
Dans le domaine de la thérapie génique, une avancée thérapeutique importante pour la SMA a été réalisée par M. Barkats suite à la découverte de l’efficacité du vecteur adéno-associé double brin de sérotype 9 (dbAAV9) pour le transfert de gènes dans le système nerveux central (SNC) suite à une injection intraveineuse (Barkats 2009; Duque et al. 2009 ). Cette découverte et les études menées par les groupes de B. Kaspar et J. Mendell aux Etats-Unis ont permis le développement du premier médicament de thérapie génique pour la SMA, le Zolgensma® , qui pour rappel a obtenu l’autorisation de l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA : Food and Drug Administration) en mai 2019 et une autorisation conditionnelle de l’agence européenne du médicament (EMA : European Medecin Agency) en mai de cette année.
Au sein de notre groupe, cette stratégie thérapeutique AAV9 a été utilisée avec succès dans un modèle de souris SMA sévères appelées SMNdelta7. En effet, une seule injection intraveineuse (IV) de dbAAV9 codant pour le gène SMN1 chez des souris nouveau-nés SMNdelta7 a permis une augmentation considérable de leur durée de vie (Dominguez et al. 2011).
Dans la continuité de ce travail, nous avons montré que l’injection intracérébroventriculaire (ICV) du vecteur dbAAV9 exprimant la protéine sous le contrôle du promoteur ubiquitaire Phosphoglycérate Kinase (AAV9-PGK-SMN) permettait une augmentation de la moyenne de survie des souris SMNdelta7 par rapport aux animaux injectés en (IV). Cet effet thérapeutique est lié à une forte transduction des neurones moteurs mais également des tissus et organes périphériques, tels que le muscle, le cœur et le foie.
Afin de déterminer la contribution respective de l’expression de SMN dans les neurones et/ou dans les organes périphériques sur la survie des souris SMNdelta7, nous avons conçu un nouveau vecteur dbAAV9, exprimant SMN sous le contrôle du promoteur neuro-spécifique Synapsine (AAV9-SYN-SMN). Nous avons ainsi comparé l’effet thérapeutique de ce nouveau vecteur injecté en ICV à celui de l’AAV9-PGK-SMN injecté en ICV ou en IV, chez des souris SMNdelta7.
Quels résultats ont été obtenus ?
Nos données ont montré que la ré-expression de la production de SMN dans les neurones, y compris dans les MN, ne permettait qu’une amélioration partielle des souris SMNdelta7. Ces travaux ont également montré l’importance de la ré-expression de SMN dans les organes périphériques, tels que les muscles squelettiques, le cœur et le foie.
De manière intéressante, les souris traitées avec l’AAV9-PGK-SMN par injection IV ou ICV ont survécu beaucoup plus longtemps que les animaux traités en ICV avec l’AAV9-SYN-SMN, bien que des niveaux similaires de SMN aient été retrouvés dans les tissus du SNC entre les animaux traités en IV avec l’AAV9-PGK-SMN et ceux traités en ICV avec l’AAV9-SYN-SMN.
Nous avons également démontré que l’injection ICV d’AAV9-PGK-SMN était supérieure à l’administration systémique du même vecteur, en permettant une expression de SMN à des niveaux supérieurs à ceux des animaux sains dans les organes du SNC et en rétablissant l’expression de SMN dans la périphérie.
Quelles conclusions peut-on en tirer et quels bénéfices ont pu être mesurés pour les patients ?
L’ensemble de ces résultats démontrent que l’expression neuro-spécifique de SMN est nécessaire, mais n’est pas suffisante pour permettre une survie des souris SMA et témoignent donc du rôle crucial de SMN dans les organes périphériques. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour comprendre les besoins spécifiques en SMN dans chaque organe et au cours du développement. Des études combinant les propriétés de ciblages des vecteurs AAV avec des promoteurs spécifiques pourraient répondre à ces questions. Les efforts de recherche dans ce domaine permettront un jour de pouvoir développer des traitements adaptés et spécifiques à chaque patient atteint de SMA.