Progresser dans la connaissance des auto-anticorps de la MG, pour mieux diagnostiquer et traiter sur-mesure

La myasthénie séronégative n’existe (probablement) pas. Autrement dit tout patient atteint de myasthénie auto-immune produirait des auto-anticorps à l’origine d’un dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire.

 

Des avancées ces dernières années

Seuls deux types d’auto-anticorps sont aujourd’hui détectés en routine : ceux dirigés contre les récepteurs de l’acétylcholine (RACh) chez environ 85% des patients, et ceux qui ciblent la kinase spécifique du muscle (MuSK) dans 6% des cas. Comme le rappelle une équipe de l’Institut Pasteur Hellénique (Athènes) dans une revue parue en février 2020, des progrès ont déjà permis de réduire le pool des patients considérés auparavant comme séronégatifs, avec notamment :

  • la mise au point il y a quelques années d’un dosage des anti-RACh dits de « faible affinité », non détectables avec les méthodes classiques,
  • la découverte des anti-LRP4 (pour low-density lipoprotein receptor-related protein 4).

D’autres auto-anticorps associés, dirigés contre la cortactine, la titine, le récepteur à la ryanodine (RyR), l’agrine, le collagène Q ou encore les canaux potassium Kv1, ont été également découverts chez des patients atteints de myasthénie.

 

Une importance diagnostique et clinique

Des sous-groupes de patients, qui partagent les mêmes types d’autoanticorps, commencent à se dessiner, avec chacun des spécificités en termes de manifestations cliniques, de pronostic et de réponse thérapeutique :

  • les anti-LRP4 semblent liés à des symptômes moins importants que les anti-RACh et à une absence de thymome ;
  • les anti-MuSK sont plus souvent liés à une forme sévère de myasthénie généralisée avec risque d’effets indésirables sous pyridostigmine et absence de bénéfice de la thymectomie, mais une bonne réponse aux échanges plasmatiques et au rituximab ;
  • les anti-Kv1.4 ont indiqué chez les patients japonais un risque de dysfonctionnement cardiaque;
  • les anti-agrine s’associeraient à une réponse modérée aux traitements actuels.

 

Vers des traitements ciblés

Déterminer le profil auto-anticorps de chaque patient présenterait demain un intérêt thérapeutique accru car des traitements spécifiques, ciblant tel ou tel auto-anticorps ou cellule immunitaire, se profilent. Ils visent notamment à :

  • induire une tolérance immunitaire vis-à-vis de l’auto-antigène cible des auto-anticorps produits : des études ont montré que l’administration muqueuse (bouche, nez) ou sous-cutanée de composants des RACh ou de MuSK peut prévenir ou améliorer la myasthénie auto-immune expérimentale (modèles animaux) ; cette approche, complexe, est explorée depuis plus de 20 ans sans traduction clinique à ce jour ;
  • éliminer de façon sélective les seuls anticorps pathogènes (par exemple grâce à l’immuno-absorption spécifique), et non tous les anticorps comme le fait la plasmaphérèse : plusieurs études ont montré l’efficacité de cette approche in vitro, avec retrait de fractions significatives d’anti-RACh et d’anti-MuSK du sérum de patients, et dans la myasthénie expérimentale (animal) avec amélioration significative des symptômes, sans effets indésirables observés.

Ces deux pistes esquissent la voie d’un traitement personnalisé, fonction du type d’auto-anticorps produit par le patient, avec l’objectif de gagner en efficacité et en tolérance.

 

Autoantibody Specificities in Myasthenia Gravis; Implications for Improved Diagnostics and Therapeutics. Lazaridis K, Tzartos SJ. Front Immunol. 2020 February

 

MuSK EAMG: immunological characterization and suppression by induction of oral tolerance. Reuveni D, Aricha R, Souroujon MC, Fuchs S. Front Immunol. 2020 March