Entretien avec V. Mouly – Des lignées de cellules humaines immortalisées pour la recherche

L’équipe 3 du Centre de recherche en myologie (CRM) exerce, en plus de son activité de recherche, une activité de service pour la communauté scientifique internationale, une plateforme destinée à générer et partager des lignées de cellules humaines immortalisées.

Vincent Mouly 2012Vincent Mouly, son directeur, a commencé ses travaux sur l’immortalisation des cellules musculaires humaines en 1994. Il s’agit alors de parvenir à disposer de matériel biologique en quantité suffisante pour une pathologie donnée, voire pour plusieurs mutations d’une même maladie, afin de pouvoir étudier des mécanismes physiopathologiques et/ou tester des approches thérapeutiques. La première lignée est créée 13 ans plus tard, en 2007. A ce jour, la plateforme, avec A. Bigot et K. Mamchaoui, tous eux salariés de l’AIM/AFM, a généré près de 80 lignées de cellules musculaires immortalisées couvrant de nombreuses pathologies neuromusculaires, et 8 lignées de cellules saines servant de contrôle.

clone DMD

Lignée différenciée en myotubes révélés (en vert) par un anticorps anti-myosine

A l’origine des lignées immortelles, des cellules de tissus prélevés sur des patients, biopsies musculaires et résidus opératoires. Les cellules pathologiques sont rares et fragiles et se divisent peu avant de s’arrêter définitivement (quelques divisions par exemple sur un déchet opératoire qui est prélevé à un stade avancé de la maladie). Les modifier génétiquement leur permet de se multiplier indéfiniment. Le processus dure quatre mois au terme desquels des ampoules contenant 1 million de cellules sont conditionnées puis stockées dans des congélateurs.

L’équipe travaille régulièrement sur des tissus provenant de trois biobanques françaises (l’Institut de Myologie –Myobank– avec S. Vasseur, Généthon avec S. Saker-Delye et l’hôpital Cochin avec F. Leturcq) et une banque britannique (F. Muntoni à Londres). Plus ponctuellement, le laboratoire répond aux demandes d’immortalisation de lignées d’équipes de recherche du monde entier issues de la sphère académique ou de compagnies privées (Prosensa [Biomarin, Sanofi, Bristol-Myers Squibb, etc.). Si les lignées sont cédées gracieusement aux premières, les compagnies pharmaceutiques doivent participer aux frais de production. Pour toutes les équipes, les lignées sont interdites à la vente et cédées pour une durée limitée et dans le cadre d’un projet déterminé. A cette activité de service s’ajoute parfois le conseil dans le choix d’une lignée, ou la formation de chercheurs au maniement des cellules immortalisées.

Le laboratoire réalise 100 à 150 envois de lignées immortelles par an. Cela a permis, entre autres, à des laboratoires britannique, néerlandais et nantais de tester l’approche thérapeutique de saut d’exon, mais aussi de valider une nouvelle approche bioinformatique pour le choix des outils de saut d’exon (avec W. Duddy et T. Yokota). Sur un plan plus fondamental, ces lignées ont permis de tester une nouvelle technique d’édition de génome (CRISPR), de mettre au point un système de culture tridimensionnelle de cellules quiescentes, ou de tester des molécules responsables des interactions avec l’environnement de la matrice extra-cellulaire.

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