Frédérique Truffaut travaille dans l’équipe Myasthenia Gravis: étiologie, physiopathologie & approche thérapeutique dirigée par Rozen Le Panse, au sein du Centre de Recherche en Myologie de l’Institut. Elle vient de publier un article* dans Science Reports portant sur les spécificités de la myasthénie juvénile par rapport à la myasthénie chez l’adulte.
Dans quel contexte avez-vous réalisé cette étude et quel en était l’objectif ?
Notre équipe travaille sur la myasthénie (MG), une maladie auto-immune liée à la présence d’auto-anticorps dirigés contre des composants de la jonction neuromusculaire, la plupart du temps contre les récepteurs de l’acétylcholine (AChR). Elle caractérisée par une fatigabilité anormale des muscles squelettiques.
Dans l’objectif de mieux caractériser la MG juvénile (MGJ), nous avons analysé 85 MGJ pré-pubères et 132 MGJ post-pubères (avec un âge limite de 13 ans) et nous les avons comparées à 721 patients MG adultes de moins de 40 ans à partir d’une base de données française que nous avons établie entre 1980 et 2019, sous la direction du Dr Sonia Berrih-Aknin. Nous avons comparé notre cohorte à d’autres études de cohortes de JMG menées dans plusieurs pays.
Quels méthodes avez-vous utilisées et quels résultats avez-vous obtenus ?
Nous avons analysé les données cliniques, les taux d’anticorps anti-AChR, les circonstances de la thymectomie (si elle était pratiquée, et si oui, à quel âge), ainsi que l’histologie thymique.
Côté résultats, nous avons remarqué que la proportion de femmes était plus élevée dans chaque sous-groupe.
Nous n’avons observé aucune différence significative dans les taux d’anticorps anti-AChR. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la proportion de patients MG AChR+ était nettement plus faible chez les patients MG adultes âgés de 30 à 40 ans, soit 69,7 %, contre plus de 82,4 % dans les autres sous-groupes.
Les données histologiques thymiques ont été examinées chez les patients ayant subi une thymectomie au cours de l’année d’apparition de la MG. Notamment, dans le groupe MGJ pré-puberté le pourcentage de patients ayant subi une thymectomie était significativement plus faible (32,9 % contre plus de 42,5 % dans les autres sous-groupes), et le délai avant la thymectomie était deux fois plus long.
Nous avons retrouvé une corrélation positive précédemment décrite entre les anticorps anti-AChR et le grade de centres germinatifs dans toutes les catégories de patients. En outre, seules les femmes, en particulier les patientes ayant subi une MGJ, présentaient les taux les plus élevés d’hyperplasie lymphofolliculaire (95 % des cas) et de grade des centres germinatifs.
Qu’en avez-vous déduit ?
Ces résultats révèlent des schémas distincts chez les patients atteints de MGJ, en particulier en ce qui concerne l’hyperplasie folliculaire thymique, qui semble être exacerbée chez les femmes après la puberté, suggérant les avantages potentiels de la thymectomie pour les patientes atteintes de MG avant la puberté.