Myology 2019 – Jour 3 : Les chercheurs innovent sur tous les fronts !

Du Royaume-Uni à la Belgique en passant par la France, les équipes de recherche rivalisent de talent et d’imagination pour développer des stratégies innovantes qui préfigurent les médicaments de demain, esquissés en ce dernier jour de congrès. 

Aucun traitement n’est encore disponible pour la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale (FSHD), une maladie rare due à une modification d’une petite région du chromosome 4 qui rend accessible un gène d’habitude silencieux appelé DUX4. La cellule musculaire fabrique alors la protéine DUX4, toxique pour les muscles.

L’originalité paie dans la FSHD

Cette fabrication ne se produit que dans un nombre limité de noyaux de fibres musculaires mais elle diffuse aux noyaux voisins, propageant ainsi l’expression aberrante de DUX4. L’équipe de Julie Dumonceaux (Londres, Royaume-Uni) s’est appuyé sur cette particularité pour mettre au point une stratégie de traitement jamais développée à ce jour dans une maladie neuromusculaire : l’utilisation de « leurres » ADN double brin qui piègent la protéine DUX4 dans les cellules musculaires où elle est présente. La capacité de ces leurres à capter DUX4 a été démontrée sur des cellules de personnes atteintes de FSHD, puis in vivo chez une souris modèle de la maladie. Ces travaux prometteurs se poursuivent.

Vers un essai clinique pour la CMT1A

A l’Institut des Neurosciences de Montpellier, l’équipe de Nicolas Tricaud vise également la mise au point d’un traitement mais pour la CMT1A, forme la plus fréquente de maladie de Charcot-Marie-Tooth. Elle résulte d’une mutation du gène qui code la protéine PMP22. La CMT1A s’accompagne d’un excès de PMP22, qui conduit à une démyélinisation des nerfs périphériques. Lors de Myology 2019, Nicolas Tricaud a présenté des essais de thérapie génique menés chez un rat modèle de la maladie. La stratégie utilisée ? Réduire la surexpression de PMP22 dans les cellules productrices de myéline à l’aide d’ARN courts en épingle à cheveux (shRNA), distribués par un vecteur viral (AAV9). Après une injection (non traumatique) dans le nerf sciatique des deux côtés, le niveau de PMP22, la force musculaire, la mobilité et la vitesse de conduction nerveuse des rats CMT1A traités étaient équivalents à ceux des rats non malades. Les chercheurs s’attachent désormais à améliorer leur technique, qu’ils envisagent de valider sur de grands modèles animaux. L’étape suivante sera celle de l’essai clinique, envisagé chez des enfants atteints d’une forme sévère de la maladie pour prévenir les déformations des pieds qu’entrainent d’habitude la CMT1A.

Un nouveau modèle animal grâce à CRISPR/Cas9

A l’Université Libre de Bruxelles, Eléonore Dupuis mène des travaux plus fondamentaux sur la myopathie centronucléaire (MCN) liée à l’X, qui résulte de mutations du gène codant la myotubularine (MTM1). Son équipe a développé de nouveaux modèles animaux (poissons zèbres mtm1) grâce à la technologie CRISPR/Cas9, un outil de modification du génome qui permet de cibler une zone précise d’ADN pour l’enlever, la réparer ou la modifier (« ciseaux moléculaires »). Les travaux menés chez les poissons zèbres mtm1 ont retrouvé un mécanisme de compensation génétique qui aboutit à la préservation de la structure musculaire observée au microscope, malgré l’existence d’un déficit moteur (diminution importante de la distance parcourue). Ces travaux pourraient aboutir, dans un avenir proche, à la mise au point d’un bon modèle animal de la maladie pour tester de nouveaux traitements.

Mieux comprendre le rôle de la dystrophine dans le cerveau

La recherche thérapeutique est plus avancée dans la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Cette maladie entraine un déficit en dystrophine, dans les muscles mais aussi dans le cerveau. De premiers médicaments de thérapie génique utilisant des oligonucélotides antisens (ASO) existent, comme l’eteplirsen. Cependant, ces ASO administrés par voie intraveineuse ne parviennent pas à franchir la barrière hémato-encéphalique (BHE) qui sépare le système nerveux central (SNC) du reste de l’organisme. Ils sont donc incapables de traiter les conséquences éventuelles de l’absence de dystrophine dans le cerveau (difficultés d’apprentissage, troubles du comportement, de l’attention…). Un nouveau type d’ASO (tricyclo-ADN) est capable de traverser la BHE et d’induire l’expression d’une dystrophine fonctionnelle dans le cerveau de souris modèles de DMD. En utilisant ces composés, Faouzi Zarrouki (Université de Versailles St-Quentin, Neuroscience Paris-Saclay Institute, Orsay) est parvenu chez la souris à corriger certains troubles émotionnels, mais pas tous.