L’équipe 5 du Centre de Recherche en myologie de l’Institut de Myologie, dirigée par France Piétri-Rouxel, vient de montrer qu’à partir d’un certain niveau, l’expression de dystrophine dans les fibres musculaires améliore à la fois la force et l’état général du muscle. Ces travaux viennent d’être publiés* dans Human Gene Therapy.

Comment êtes-vous arrivé à ces résultats ?
Cela fait longtemps que notre équipe s’intéresse en particulier à la protéine nNOS qui se lie à la dystrophine. Suite à une étude préclinique réalisée à Nantes chez le chien GMRD, modèle dystrophique de grand animal, nous avons analysé des biopsies exprimant des pourcentages croissants de fibres exprimant la dystrophine (2%, 20%, 40%, 65-90%, etc. dites « dystrophine positives »). L’équipe de Nantes a d’abord montré à un niveau macroscopique que 40% de fibres dystrophine positives suffisent pour une récupération significative de la force. Nous nous sommes penché de notre côté sur ce qui se passait au niveau moléculaire.

Qu’avez-vous analysé ?
Nous avons regardé à quel niveau de fibres dystrophine positives certains marqueurs sont normalisés, en particulier, la protéine nNOS et la protéine iNOS (absente en temps normal mais inductible dans un contexte inflammatoire). Dans le muscle malade, ces deux protéines produisent du NO à l’intérieur de la fibre ce qui, à niveau élevé, est toxique, notamment pour le fonctionnement correct du canal calcique RyR1. La normalisation de ces marqueurs se produit toujours au même pourcentage de fibres dystrophine positives, supérieur à 40%, quelle que soit l’approche utilisée (biologie moléculaire, immunologie ou biochimie). Ce qui est totalement cohérent avec ce que l’équipe de Nantes a trouvé sur la récupération de force.

Mais si il y a 40% de fibres dystrophine positives, il y a aussi 60% de fibres dystrophine négatives pour lesquelles on a mesuré des niveaux corrects de marqueurs nNOS, iNOS et RyR1, même si la dystrophine n’est pas exprimée. On pense donc que les 40% de fibres dystrophine positives créent un contexte global positif, des mécanismes s’apaisent et le muscle dans son ensemble va beaucoup mieux

Quelle est la prochaine étape ?
Nous cherchons maintenant à préciser pourquoi il y a un effet seuil alors que 60% des fibres sont encore dystrophine négatives. Qu’est-ce qui créé ce contexte global positif ? Est-ce une baisse plus large de l’inflammation ? Est-ce une régulation du sécrétome (un contexte sans dystrophine conduit les cellules à sécréter certaines protéines en très grandes quantités) ? Nous allons tester ces différentes hypothèses au cours des prochains mois.

 

* Dystrophin threshold level necessary for normalisation of nNOS, iNOS and RyR1 nitrosylation in GRMD dystrophinopathy.
Gentil C, Le Guiner C, Falcone S, Hogrel JY, Peccate C, Lorain S, Benkhelifa-Ziyyat S, Guigand L, Montus MF, Servais L, Voit T, Pietri-Rouxel F.
Hum Gene Ther. 2016 Jun 8. [Epub ahead of print]