Évaluation de l’activité physique par accélérométrie : une mesure prometteuse chez le patient porteur d’une pathologie neuromusculaire

Des cliniciens et des chercheurs de l’Institut de Myologie viennent de publier un article dans Neurology* portant sur l’utilisation d’accéléromètres afin d’évaluer l’impact d’un traitement en mesurant en particulier l’activité physique quotidienne de patients atteints de myopathies inflammatoires idiopathiques (IIM). Jean-Yves Hogrel, directeur du Laboratoire de Physiologie et d’Évaluation Neuromusculaire, revient sur les résultats de cette étude pilote.

Pouvez-vous préciser la notion d’activité physique quotidienne ?
On entend par activité physique tout mouvement produit par les muscles squelettiques, responsable d’une augmentation de la dépense énergétique au cours de la vie quotidienne (jour et nuit). L’activité physique englobe notamment les déplacements (par exemple la marche), les tâches ménagères, les loisirs, l’exercice planifié et la réhabilitation. Le niveau d’activité quotidienne reflète, entre autres, la capacité d’un patient à bouger. Il existe actuellement différentes façons d’évaluer l’activité physique quotidienne au domicile des patients comme des questionnaires et plus récemment des dispositif portables (contenant par exemple des accéléromètres) que l’on peut porter à la cheville, à la ceinture, au poignet, et qui permettent une mesure objective de l’activité physique quotidienne**.

Qu’est-ce que l’actimétrie et comment permet-elle ce type de mesure ?
On entend par actimétrie l’analyse de signaux (par exemple d’accélération) pour évaluer l’activité motrice. On peut distinguer trois types d’actimétrie : l’actimétrie destinée à caractériser un mouvement en milieu contrôlé. À l’Institut de Myologie par exemple, on fixe un accéléromètre à la ceinture afin de caractériser la marche en termes de régularité, de symétrie, etc… Cela nous donne des informations sur la qualité de la marche au cours, par exemple, d’un test de marche de 6 minutes ou l’on évalue la quantité de marche (distance). Un deuxième type d’actimétrie vise à évaluer l’activité physique quotidienne sur des durées relativement longues pouvant aller jusqu’à plusieurs mois de suite, 24h/24. Enfin, un troisième type d’actimétrie consiste à analyser en profondeur les signaux pour évaluer par exemple la sédentarité, la qualité du sommeil, le temps passé à marcher, la temps passé à pratiquer une activité physique légère, modéré, vigoureuse, etc…

Mesurer objectivement l’activité physique, cela permet d’estimer les répercussions d’une pathologie sur la vie des patients et de mesurer son évolution au cours du temps. C’est aussi un moyen d’évaluer le mode de vie d’une personne et les risques liés, par exemple, à une activité physique insuffisante. Il s’agit donc d’une mesure comportementale qui inclue de multiple facteurs comme les capacités physiques, la motivation, l’environnement socio-culturel, la saison, les jours de la semaine, etc… Par exemple si quelqu’un a pour habitude de passer sa journée assis dans son fauteuil et qu’il ne bouge jamais, même s’il est soigné, il ne bougera pas forcément plus. L’actimétrie est donc également un outil très utile pour évaluer l’efficacité d’intervention visant à augmenter l’activité physique des patients afin de les protéger, par exemple, de complications associées à la sédentarité.

Plus précisément, pour cette étude, comment avez-vous procédé ?
Pour l’étude pilote qui vient d’être publiée, nous avons équipé 5 patients atteints de myopathies inflammatoires qui sont suivis à l’Institut de Myologie par Olivier Benveniste, Yves Allenbach et Océane Landon-Cardinal (Équipe Myopathies inflammatoires et thérapies innovantes, Centre de Recherche en Myologie – Département de Médecine Interne et Immunologie Clinique, Hôpital Pitié-Salpêtrière). Dans cette famille de pathologies, le muscle dégénère rapidement et les patients se sentent fatigués, faibles et peuvent se retrouver très rapidement en situation de handicap. Le traitement leur permet généralement de récupérer une fonction musculaire quasi-complète. Le principe de cette étude était de d’évaluer les changements de l’activité quotidienne au cours du traitement et de les comparer aux mesures clinique (symptomatologie, force musculaire) et biologique de référence. Nous avons donc équipé les patients d’une montre comportant des accéléromètres et nous avons enregistré leur activité physique 24h/24h pendant deux semaines pendant six mois après le début du traitement. Nous avons mesuré une activité physique quotidienne fortement réduite chez tous les patients témoignant du retentissement de la maladie sur l’activité physique des patients. Au cours des 6 mois de traitement, nous avons observé une augmentation progressive de l’activité physique associée à une amélioration des symptômes et de la qualité de vie des patients.

Quel dispositif avez-vous utilisé ?
Nous avons utilisé un dispositif commercialisé qui permet d’accéder aux données brutes des accéléromètres. Les signaux sont ensuite analysés à l’aide d’un logiciel développé et utilisé par une communauté de chercheurs dont Damien Bachasson fait partie. Cela nous permet de nous libérer des outils d’analyse commerciaux propriétaires qui limitent l’interprétation et la comparaison des données ainsi que l’utilisation de ces méthodes à grande échelle à des coûts raisonnables.
L’internet des objets est en plein développement et permet d’imaginer de nouvelles possibilités d’évaluation à domicile à l’aide d’objets connectés, dont font partie les actimètres. S’ils ont leurs limites dans l’interprétation des informations qu’ils apportent, ces dispositifs, encore très peu utilisés dans le champ des maladies neuromusculaires, pourront apporter des informations pertinentes en complément des examens réalisées à l’hôpital. En ce moment, on est dans une sorte de transition entre l’appareil de mesure scientifique et l’objet connecté. L’évaluation de l’activité physique sera une mesure de routine dans un futur proche. Nos travaux contribuent à établir des bases scientifiques solides pour ces mesures.

Cette étude pilote va-t-elle être prolongée ?
Absolument : l’équipe d’Olivier Benveniste s’est équipée de 30 « montres » et une cohorte de 50 patients est actuellement évaluée avec ces mêmes méthodes. L’ensemble des données sera disponible dans quelques mois et les résultats nous permettrons de confirmer ces premiers résultats ainsi que d’améliorer nos procédures et nos interprétations dans de futures études. Nous comptons également élargir ces investigations chez des patients porteurs d’autres pathologies neuromusculaires à l’Institut de Myologie puis dans d’autres centres à travers le monde. A noter également qu’un essai thérapeutique dans la dermatomyosite utilise une mesure de l’activité quotidienne par accélérométrie comme critère d’évaluation exploratoire.

 

* Physical activity monitoring: A promising outcome measure in idiopathic inflammatory myopathies.Bachasson D, Landon-Cardinal O, Benveniste O, Hogrel JY, Allenbach Y.
Neurology. 2017 Jul 4;89(1):101-103. doi: 10.1212/WNL.0000000000004061. Epub 2017 May 31.

** Voir la revue à laquelle a participé J.-Y. Hogrel : 
Measuring Habitual Physical Activity in Neuromuscular Disorders: A Systematic Review.Jimenez-Moreno AC, Newman J, Charman SJ, Catt M, Trenell MI, Gorman GS, Hogrel JY, Lochmüller H.
J Neuromuscul Dis. 2017;4(1):25-52. doi: 10.3233/JND-160195.


 

Propos recueillis par Anne Berthomier