L’Institut développe un outil pour smartphone utilisant l’IA pour évaluer la fonction motrice

Romain Feigean est chercheur au Laboratoire de physiologie et d’évaluation neuromusculaire dirigé par Jean-Yves Hogrel au sein du CEEN de l’Institut. Il travaille en particulier sur l’évaluation de la fonction motrice, plus spécifiquement de la marche, projet pour lequel il a obtenu une bourse de la Fondation Maladies Rares*. Entretien

Comment allez-vous travailler sur l’évaluation de la marche ?

Nous partons de l’idée que si l’on comprend mieux la façon dont marchent les patients, il sera possible d’améliorer la qualité de l’assistance (intensité et timing d’assistance) et le confort des exosquelettes afin qu’il soit davantage adapté aux personnes.
Il s’agit donc de comprendre la biomécanique neuromusculaire de la marche, c’est-à-dire l’évaluation du mouvement dans un plan en 3 dimensions, et de l’activité et du comportement des muscles.

Pour l’instant, nous développons un outil pour smartphone intitulé AIgait, à destination des médecins et des professionnels de santé. A partir d’une simple vidéo d’un patient qui marche, de l’intelligence artificielle et notre expertise en analyse du mouvement, l’outil est à même de fournir des métriques (indicateurs clés) qui permettent de caractériser l’altération de la fonction locomotrice.

Quels sont les facteurs évalués ?

La cinématique est évaluée, c’est à dire le mouvement et les amplitudes articulaires (hanche, genou cheville) ainsi que les paramètres relatifs au temps et à l’espace. Grâce à nos précédents travaux, nous cherchons à rendre accessible la mesure de ce qui est déterminant dans la baisse de performance d’une personne avec une maladie neuromusculaire (longueur, durée et cadence du pas, inclinaison du pied au moment il touche le sol, amplitude articulaire de la hanche etc.).

Plus précisément, à quelle partie du projet va s’intéresser l’étudiant·e de M2 que vous allez recruter ?

La première partie concerne la mesure dans le plan sagittal et en travelling : on va filmer la personne qui marche par le côté, et la suivre sur une certaine distance. C’est le projet princeps qui va prochainement être validé dans le cadre d’un essai clinique.
Dans une deuxième partie, plutôt orienté développement méthodologique, l’objectif est de quantifier le déficit à la marche dans un plan frontal, toujours à partir d’une vidéo (en filmant soit de dos, soit de face). C’est sur cette partie qu’interviendra l’étudiante de M2 dont la bourse est financée par la Fondation Maladies Rares.
Pour la troisième partie, dont pourra, si tout se passe bien, s’occuper l’étudiante est de l’utiliser pour évaluer la dégradation de la marche dans la maladie de Pompe en calculant les mêmes métriques obtenus avec un accéléromètre, classiquement mesurés dans les essais thérapeutiques ou histoire naturelle.

Notre application permettra alors d’avoir une caractérisation précise de la qualité de la marche. L’idée est de proposer une solution simplifié de mesure de la marche pour mieux quantifier la dégradation lors des évaluations, sans que les patients n’aient à porter de dispositif de mesure.

Quelles sont les perspectives ?

Dans les six prochains mois, nous allons développer l’outil sur l’aspect frontal. Il faudra ensuite le valider scientifiquement dans le cadre d’un essai clinique réalisé en collaboration avec le service de Neuro-Myologie pour le recrutement des participants.
Pour les patients, à terme, cela pourra leur permettre de faire leur évaluation à domicile en posant simplement un smarphone sur un trépied pour se filmer faisant un aller-retour en marchant.

On peut imaginer, pourquoi pas, après quelques modifications concernant en particulier des déterminants clés à observer, d’utiliser cet outil dans le cadre de maladies avec altération de la marche, hors champs des maladies neuromusculaires, chez des patients post AVC, Parkinson ou dans le cadre d’un suivi en rééducation par exemple.

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* Appel à projets « Innovation en IA et e-santé pour les maladies rares »

** C’est un capteur fixé dans le dos qui mesure l’accélération dans 3 axes et permet d’identifier plusieurs paramètres tels que par exemple les asymétries, la vitesse de marche et les variations d’inclinaison du tronc.