Lancement d’une étude sur le fonctionnement du diaphragme

Dans quelques semaines une collecte post-mortem d’échantillons de diaphragme et grand droit va débuter au GHU Pitié-Salpêtrière-Charles Foix dans le cadre du protocole DIAVITAL. L’équipe de la Coordination des prélèvements (B. Riou, V. Justice) organisera les prélèvements biopsies musculaires qui seront immédiatement prises en charge par la Banque des tissus MYOBANK-AFM de l’Institut de Myologie (M. Chapart, S. Vasseur) à destination de chercheurs du Centre de recherche en myologie (C. Coirault*, V. Mouly**). Il s’agit d’étudier le dysfonctionnement diaphragmatique lié à la ventilation mécanique au cours du vieillissement.

 

Le contexte
Les conséquences de la ventilation mécanique sur le diaphragme
La ventilation mécanique (VM) des patients entraine une atrophie rapide et un dysfonctionnement du diaphragme qui rend difficile le sevrage du respirateur et augmente la morbidité/mortalité en réanimation et au décours de l’hospitalisation. Cette dysfonction diaphragmatique liée à la VM est fréquente et représente donc un problème de santé publique majeur. Chez les patients âgés et les personnes particulièrement fragiles telles que les patients atteints de myopathies, les répercussions sont probablement encore plus importantes.

Une étude pilote sur l’effet du maintien d’une contraction diaphragmatique pendant la VM
Une étude pilote a été menée par T. Similowski (responsable du service de pneumologie, médecine intensive et réanimation à Pitié-Salpêtrière) et C. Coirault pour déterminer si le maintien d’une contraction diaphragmatique pendant la VM permettait de prévenir la dysfonction du diaphragme. L’étude a montré que la stimulation électrique du nerf phrénique (qui innerve le diaphragme et est responsable de sa contraction) prévenait son atrophie. La dysfonction du diaphragme est donc directement liée à sa mise au repos.

Les effets du vieillissement sur le diaphragme
On ne sait pas si la sarcopénie atteint de la même façon le diaphragme et les autres muscles. En effet, une grande part de la sarcopénie est liée à la diminution de l’activité physique. Le diaphragme étant un muscle qui se contracte tout au long de la vie, on peut penser qu’il est peut-être préservé de ces mécanismes de sarcopénie. Muscle très particulier encore peu connu, on sait qu’au niveau embryologique il est issu des lignées cellulaires des muscles de la tête et du cou et non de celles du tronc et des jambes, et qu’il bénéficie d’une double vascularisation (un réseau venant du thorax et un autre de l’abdomen).

 

Le protocole DIAVITAL
Une collaboration étroite entre 3 équipes : prélèvement, Myobank et chercheurs
C’est l’équipe de la Pitié-Salpêtrièe qui prélèvera les différents organes sur les personnes décédées ayant été sous VM. Dans le cadre du don d’organes, l’équipe aura recueilli le consentement des familles et pourra réaliser des biopsies musculaires de diaphragme et de grand droit. De son côté, l’équipe de Myobank sera d’astreinte 24h/24 et 7j/7 sur ce projet durant 18 mois pour collecter dès leur prélèvement les tissus, et les préparer suivant différents protocoles : la cryoconservation, le montage en isopentane et la congélation en azote liquide. Les échantillons seront ensuite stockés à Myobank au sein de la plateforme de ressources biologiques de la Pitié-Salpêtrière Charles Foix. Les échantillons seront à la disposition des chercheurs de l’Institut de Myologie.

Comparer le diaphragme et un autre muscle à contraction non rythmique
L’idée de ce nouveau protocole DIAVITAL est donc de prélever du tissu diaphragmatique humain chez 7 personnes jeunes (18-65 ans) et 7 personnes âgées (au-delà de 65 ans) pour mettre en évidence des mécanismes spécifiques de la sarcopénie dans ce tissu. Un prélèvement de la partie haute du muscle abdominal grand droit est également réalisé afin de voir l’état d’un muscle dont l’activité n’est pas rythmique, sur lequel on s’attend à voir des marqueurs de sarcopénie chez les sujets âgés.

 

Répondre à certaines questions-clés spécifiques au diaphragme sénescent
Il y a très peu de données sur ce muscle. On ne sait pas s’il est capable de se régénérer, si le nombre de cellules satellites évolue avec l’âge, et comment. Les chercheurs ont donc prévu de cultiver des cellules souches de diaphragme et d’observer leur comportement in vitro ce qui pourra permettre d’interpréter plus précisément la capacité myogénique et la présence de marqueurs épigénétiques. Il sera possible de suivre l’atrophie des fibres musculaires du diaphragme au niveau tissulaire via des études histologiques, mais également au niveau moléculaire en analysant les modifications et dérégulations de ses gènes, la méthylation de marqueurs épigénétiques, etc.

Si les chercheurs savent pertinement qu’ils ne pourront pas répondre à toutes leurs questions, ils prévoient en revanche de dégager des tendances et préciser des pistes de recherche pour des études ultérieures.

 

* Catherine Coirault dirige le Groupe Physiopathologie de la dysfonction contractile, Équipe 1- Génétique, Physiopathologie & approches thérapeutiques des maladies du muscle au Centre de recherche en myologie à l’Institut de Myologie

** Vincent Mouly dirige l’Équipe 3- Régénération, Physiopathologie & Approches thérapeutiques : modèles cellulaires au Centre de recherche en myologie à l’Institut de Myologie

 

Propos recueillis par Anne Berthomier