La R-spondin1 contrôle la fusion des cellules souches musculaires et la régénération du muscle squelettique

Myotubes multinucléés en culture in vitro (bleu: noyaux, rouge: chaînes lourdes de myosite)

Myotubes multinucléés en culture in vitro (bleu: noyaux, rouge: chaînes lourdes de myosite)

Depuis 10 ans, Fabien Le Grand s’intéresse principalement aux rôles des voies de signalisation Wnt dans la régénération du muscle. Arrivé en mars 2015 au Centre de Recherche en Myologie dans l’équipe de Vincent Mouly, il dirige le groupe « Régénération, physiologie et thérapies ». 
Il publie avec son équipe un article* dans Cell Reports, montrant que la R-spondin1 contrôle la fusion des cellules musculaires via la régulation des deux voies de signalisation Wnt antagonistes.

 

Pour quelles raisons vous êtes-vous intéressés à cette protéine  ?
Nous avons commencé à travailler sur la famille des protéines sécrétées des R-spondins, lorsqu’il a été démontré, en 2011-2012, qu’elles constituaient une famille très importante de régulateurs des voies Wnt dans les tissus où ces voies interviennent pour l’homéostasie (intestins, peau, foie, etc., mais aucune recherche n’avait encore été menée sur les muscles adultes). Travaillant sur l’implication des voies Wnt dans la régénération musculaire, nous nous sommes posé la question de l’importance des R-spondins dans le contrôle de la régénération du muscle squelettique.

Nous pensions au départ que les R-spondins allaient réguler l’une des voies Wnt (voies canonique et non-canonique). En fait, les R-spondins sont à l’interface entre les voies canoniques et non-canoniques, en régulant positivement l’une et négativement l’autre, et régulent l’équilibre de ces deux cascades de signalisation intra-cellulaires. De plus, la balance entre activation et répression des deux voies change au cours de la reconstruction du tissu. C’est-à-dire qu’il doit y avoir d’abord l’activation de la voie canonique puis celle de la non-canonique, l’une après l’autre et c’est R-spondin qui contrôle cette balance.

Comment avez-vous démontré cette propriété  ?
Nous avons analysé le modèle de souris mutante qui ne synthétise pas de R-spondin1. Ces souris sont normales au niveau musculosquelettique (mais porteuses de maladies touchant d’autres tissus). Lorsqu’on provoque une blessure du muscle squelettique, le tissu régénéré est beaucoup plus gros. En l’absence du frein que représente la R-spondin, il y a augmentation de la fusion des progéniteurs issus des cellules souches, ce qui produit des myofibres plus grandes avec beaucoup plus de noyaux. Si les muscles sont plus gros, ils ne sont pourtant pas porteurs d’anomalie histologique. Au niveau de la force et de la résistance à la fatigue, les muscles n’ont pas de problèmes fonctionnels pour les tests que nous avons réalisés avec Arnaud Ferry.

Vous évoquez la myopathie de Duchenne dans votre article, quel lien établissez-vous entre ces travaux très fondamentaux et cette maladie?
Dans la dystrophie musculaire de Duchenne, les myofibres dégénèrent graduellement. Les fibres lésées sont continuellement régénérées jusqu’à ce que le mécanisme s’épuise. En effet, dans cette pathologie, l’absence de dystrophine entraine une grande fragilité constitutive de la fibre musculaire et des blessures répétées lors de la contraction. En cas de lésion, la fibre n’est pas détruite (comme dans les modèles de régénération) mais conservée, et réparée par les cellules souches musculaires qui viennent fusionner souvent imparfaitement avec la fibre, ce qui mène à la formation de fibres anormales appelées fibres branchées. Celles-ci se contractent mal et ne peuvent pas vraiment développer de la force. Par ailleurs, comme elles sont très fragiles et se brisent facilement, la régénération anormale se reproduit conduisant à la formation des fibres de moins en moins fonctionnelles, ce qui contribue à la progression de la maladie. Dans ce cas, la R-spondin1, utilisée comme agent thérapeutique, pourrait potentialiser l’effet de la voie Wnt canonique qui inhibe la voie non canonique Wnt7a, laquelle stimule la fusion des progéniteurs ces cellules musculaires.

Dans quelles directions allez-vous poursuivre ces travaux  ?
Dans les années qui viennent, nous allons essayer de comprendre comment la voie Wnt7a contrôle la fusion des cellules musculaire aux niveaux biochimique et moléculaire. Pour explorer ces mécanismes, nous aurons besoin de personnes avec de nouvelles compétences et établir des collaborations avec d’autres équipes.

 

* R-spondin1 Controls Muscle Cell Fusion through Dual Regulation of Antagonistic Wnt Signaling Pathways.
Lacour F, Vezin E, Bentzinger CF, Sincennes MC, Giordani L, Ferry A, Mitchell R, Patel K, Rudnicki MA, Chaboissier MC, Chassot AA, Le Grand F.
Cell Rep. 2017 Mar 7;18(10):2320-2330. doi: 10.1016/j.celrep.2017.02.036.

 

Propos recueillis par Anne Berthomier