EVELAM  : le résultat d’une collaboration fructueuse entre experts en myologie d’Amérique Latine et d’Europe au profit du rayonnement international de la myologie

Entretien avec l’un de ses fondateurs, Dr. Jorge Bevilacqua

Jorge Bevilacqua est un médecin chercheur argentin qui exerce depuis 20 ans à Santiago du Chili à l’Hospital Clinico Universidad de Chile. Ses liens avec l’Institut de Myologie sont anciens : étudiant à l’École d’été de myologie de l’institut en 2003, il approfondit ensuite ses connaissances en participant au DIU de Myologie et poursuit en parallèle ses travaux de recherche dans le laboratoire d’Histopathologie dirigé par le Dr Norma Romero. En 2008, il a co-fondé EVELAM (Escuela de Verano Euro Latino Americana de Miologia) avec Norma Romero, Andoni Urtizberea et Alberto Rosa. Il est actuellement en période sabbatique, dédiée particulièrement au perfectionnement en microscopie électronique de muscle à l’Institut de Myologie..

Quand avez-vous fondé EVELAM et en quoi cela consiste-t-il  ?
La première session d’EVELAM s’est tenue en décembre 2008 à Santiago du Chili et a réuni notamment des étudiants du Chili, d’Argentine et d’Uruguay et du Brésil. Depuis, des participants du Mexique, de Colombie, du Pérou, du Venezuela, d’Équateur et du Paraguay nous ont rejoint. La dernière session* s’est déroulée à Punta del Este en Uruguay, et la session 2017 se tiendra à Bogota en Colombie. L’école accueille chaque année pendant 3 jours des experts latino-américains et européens, quelquefois des nord-américains, et 130 à 150 participants essentiellement issus du milieu médical et paramédical mais également appartenant à des associations de patients ou à l’industrie pharmaceutique

Depuis 2008, chaque année, les médecins et chercheurs impliqués dans les maladies neuromusculaires d’un pays d’Amérique Latine donné organisent l’EVELAM. Si la première édition a été très artisanale et soutenue financièrement principalement par l’AFM-Téléthon, des universités, des institutions de santé, des sociétés savantes et des laboratoires pharmaceutiques se sont depuis intéressés à l’événement et le sponsorisent très régulièrement.

Pour les enseignements, nous avons voulu adapter au contexte latino-américain les principes fondamentaux régissant l’École d’été de myologie de Paris organisée chaque année par Andoni Urtizberea et Norma Romero. Outre la transmission de connaissances, une grande importance est accordée aux contacts et échanges directs entre les intervenants et les étudiants. Bien qu’il y ait plus de participants qu’à Paris (150 vs. 50), nous y parvenons le plus souvent grâce à des conférences, des ateliers et des discussions autour de cas cliniques, l’ensemble se déroulant dans une atmosphère studieuse et cordiale.

À quels besoins répondait la création d’EVELAM  ?
La situation de la myologie en Amérique Latine est très hétérogène d’un pays à l’autre. Même s’il existe des équipes de recherche et cliniques reconnus mondialement dans le domaine des maladies neuromusculaires (MNM), dans certains pays latino-américains, la myologie n’est pas encore bien développée.

EVELAM a permis le développement des connaissances dans ce domaine et la constitution d’un réseau local et international de spécialistes débutants et d’experts confirmés. L’école est en quelque sorte devenue une plateforme de communication et d’échanges permettant la mise en place de collaborations intrinsèques au réseau.

Il nous est progressivement apparu qu’il fallait créer une structure plus pérenne capable de chapeauter l’événement ponctuel qu’est EVELAM mais aussi de servir de pont entre les deux continents pour favoriser les échanges. Echanges  dans lesquels chacun mettrait son expérience et son réseau à disposition des autres  ; nous avons alors fondé une association régie par la loi de 1901, le GrELAM (Groupe Euro Latino Américain de Myologie).

Dans les grandes lignes, quelle est la prise en charge des patients atteints de MNM en Amérique Latine ?
En ce que concerne la prise en charge multidisciplinaire des patients MNM, de la même façon, dans certains pays, il y a des médecins spécialisés qui mènent un suivi clinique poussé, tandis que dans d’autres pays les moyens d’une prise en charge adaptée nécessitent d’être améliorés.

Dans la plupart des pays, il y a des neurologues mais pas encore de myologues bien différenciés. Il y a encore peu ou pas de recherche dans le domaine. Et c’est précisément pour ces pays qu’EVELAM est utile  : l’école constitue un tremplin très apprécié non seulement pour la formation de spécialistes mais aussi pour la promotion du concept de myologie.  Les spécialistes et les moins spécialistes n’hésitent pas à revenir chaque année, preuve de leur attachement à cette formation. Ils en profitent pour se tenir informés des avancées dans le domaine, pour nouer des liens de collaborations, pour examiner les cas cliniques rares et établir des diagnostics.

Dans les pays où les choses sont plus avancées, il existe déjà une infrastructure publique et privée dédiée à ce domaine mais qui nécessite d’être élargie. Au Chili , la prise en charge reste incomplète  : il n’existe pas de structure publique dédié à la prise en charge des MNM, pas de plateformes communes où faire des tests de génétique, de l’imagerie musculaire ou des biopsies. Le Téléthon chilien récolte beaucoup d’argent  pour construire et faire tourner des centres de rééducation fonctionnelle pour les enfants, mais ne dédie pas de fonds spécifiques pour le diagnostic ou la recherche dans les maladies rares. Les maladies neuromusculaires étant peu connues, l’errance diagnostique est fréquente et beaucoup plus longue qu’en France.

Une piste pour améliorer durablement la prise en charge  serait, avec le soutien et le concours du ministère de la Santé chilien, de développer un centre de référence sur le modèle de ce qui a été mis en place à l’Institut de Myologie  : un réseau d’experts pluri-disciplinaires et un budget suffisant pour pouvoir poser des diagnostics et continuer à former des spécialistes.